Depuis une quinzaine d’années, la littérature de jeunesse semble avoir été mise de côté. Le nombre d’ouvrages littéraires vietnamiens pour enfants diminue de plus en plus. Il en va de même pour les auteurs de ce genre littéraire. Si cette situation perdure, c’est tout un pan culturel de notre société qui est menacé.
Les livres étrangers traduits en vietnamien sont majoritaires.
En réalité, les livres pour enfants ne manquent pas. Ce secteur est plutôt riche et varié mais la majorité des ouvrages proviennent de l’étranger. En observant les librairies à Hô Chi Minh-Ville, on constate aisément que les livres étrangers traduits en vietnamien sont majoritaires.
Pham Sy Sáu, vice-président de l’Association des écrivains de Hô Chi Minh-Ville et rédacteur aux Éditions de la Jeunesse, indique que la domination des œuvres étrangères au Vietnam est due au désintérêt des éditeurs et des auteurs vietnamiens. Une statistique illustre à merveille ce phénomène : aujourd’hui, seuls une dizaine d'auteurs membres de l’Association municipale des écrivains exploitent encore ce créneau. De plus, par rapport à l'investissement que nécessite la création d’œuvres pour le (très) jeune public, il est plus simple de traduire des œuvres étrangères. Sans compter que le milieu éducatif ne semble pas s’intéresser à la lecture chez les enfants. À l’école, les jeunes élèves ne lisent que des manuels scolaires. Et il n’y a pas de «culture de la lecture».
«À la Maison d’édition de la Jeunesse, nous privilégions toujours les littéraires vietnamiennes pour enfants. Pourtant, année après année, seuls quelques écrivains envoient leurs manuscrits. C’est pourquoi, nous devons compléter nos collections par des livres étrangers afin de répondre aux besoins des enfants», confie M. Sáu.
Il faut dire aussi que l'arrivée de livres et de bandes dessinées étrangers au Vietnam a renforcé ce secteur. Les enfants d’ici découvrent de nouvelles histoires du monde entier. «Nos enfants apprécient les livres étrangers pour leur esthétisme et la variété de leurs contenus. On a même tendance à oublier de vérifier la qualité de ces produits. Le revers de la médaille est que si la domination des livres étrangers continue comme ça, les enfants vietnamiens auront totalement oublié les histoires, les personnages et les sites historiques de leur pays qui, quelque part, forgent leur identité», alerte cependant l’écrivain Kao Son, de l’Association des écrivains de Hô Chi Minh-Ville, auteur d'œuvres littéraires pour enfants et salué par de nombreux prix nationaux.
Encourager les auteurs
Selon les experts, cette situation s’explique également parce que les écrivains n’ont pas beaucoup d’égards pour ce genre littéraire, qui n’apporte rien à leur réputation. Le fait est aussi que certains auteurs ne peuvent pas vivre de ce seul travail et ont opté pour d’autres métiers. Et puisqu’aucune politique n’existe pour les mettre en valeur et les encourager...
L’État devrait aussi appliquer une politique volontariste afin de motiver les auteurs.
Conscientes du problème, certaines maisons d’édition ont organisé des campagnes de créations en littérature de jeunesse. Mais ces rencontres remontent à loin déjà. Par exemple, la Maison d’édition de la Jeunesse a organisé trois fois le concours «Les enfants pour l'avenir du pays» afin de mobiliser les écrivains. Mais, en raison d’un budget insuffisant, la dernière édition date de 2003.
L’écrivain Kao Son reste pourtant convaincu de la nécessité de ces «camps littéraires pour enfants». Grâce à ces organisations, davantage d’œuvres pour enfants pourraient voir le jour.
Selon Pham Sy Sáu, en parallèle aux efforts des écrivains, l’État devrait aussi appliquer une politique volontariste afin de motiver les auteurs. Depuis une quinzaine d’années, aucun prix n’est venu mettre en valeur la littérature pour de jeunesse, prix qui joue pourtant un rôle essentiel dans un domaine d’activité, quel qu’il soit.