Ces produits qui, sous le régime féodal, servaient à revêtir les palais royaux, servent à l’heure actuelle à décorer des constructions architecturales telles que le Grand Théâtre de Hanoi, le Temple de la Littérature ou la Cité impériale de Huê.
La fabrication des feuilles d’or à Kiêu Ky (district de Gia Lâm, Hanoi) date du règne de Lê Canh Hung (1740-1786). Le maître qui a créé et propagé cet art est Nguyên Quy Tri, toujours honoré dans le dinh (maison commune) du village. Ces feuilles d’or servaient autrefois à revêtir les palais royaux, les temples et les pagodes de Thang Long (ancien nom de Hanoi)
A l’heure actuelle, le village compte des centaines de foyers spécialisés dans le commerce et la production de feuilles d’or. Au cours d’une visite à l’atelier de Lê Ba Tuoi, cet artisan nous a confié: “Nous avons créé plus d’une dizaines d’emplois aux jeunes du village et d’autres provinces, qui touchent un salaire stable de 3 à 6 millions de dongs par mois”. Hoàng Thi Oanh, sa femme ajoute “la fabrication d’un paquet de 490 lamelles d’or nécessite près de 40 étapes, dont chacune exige un savoir-faire différent”.
Une tablette d’or, d’argent sera martelée des heures et des heures pour qu’elle devienne une bande mince, d’une largueur de 1 cm. Cette bande sera ensuite découpée en carrés de 1 cm² qui seront posés sur des lá quỳ de 4 cm de côté. Les lá quỳ sont faits avec du papier dó résistant, d’une grande minceur, et recouverts de plusieurs couches d’une sorte d’encre fabriquée avec une suie particulière mélangée à de la gélatine de buffle.
La fabrication de cette encre exige beaucoup de minutie : un four devra être construit, de hauteur très modeste mais bien fermé. Comme carburant, de petites boucles de sciure de bois pétrie de gélatine de buffle, disposés au-dessous d’une grande marmite à anses pour recueillir la suie que servira d’encre.
Un artisan qualifié peut amincir un chỉ vàng (1/10 taël d’or soit 3,78 g d’or) en une grande feuille d’or de 1 cm² de surface. Et pour avoir un quỳ vàng (paquet de feuilles lamelles d’or) il doit travailler sans relâche, à coup bien réguliers car la moindre interruption fera refroidir la feuille d’or et l’ouvrier devra recommencer son travail à partir de zéro (normalement, 400 coups donneront un quỳ vàng). Mme Hoang Thi Oanh ajoute: “la dernière étape qui consiste à dégager la lamelle d’or du support lá quỳ exige beaucoup d’adresse et doit se passer dans une pièce bien fermée car le moindre souffle de vent ou une respiration un peu forte fera s’envoler la lamelle d’or. L’ouvrière qui s’occupe de ce travail doit se munir d’un cache-nez”.
Lê Ba Vong, un artisan qui compte 60 années d’expérience dans le métier, nous a confié avec fierté : “Aucun artisan en ce monde ne peut amincir un chỉ vàng en 980 lamelles d’or. Seuls nous, les habitants de Kiêu Ky peuvent le faire et c’est pourquoi nous pouvons vivre de notre métier”.