Le bài chòi sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité
Mettre à jour: 05 Janvier 2018
L’Unesco vient d’inscrire le bài chòi sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Le bài chòi est un art folklorique pratiqué dans neuf provinces du Centre du Viet Nam (Quang Binh, Quang Tri, Thua Thien-Hue, Quang Nam, Quang Ngai, Binh Dinh, Phu Yen, Khanh Hoa et Danang). Pour le Viet Nam et notamment pour les localités concernées, si cette reconnaissance mondiale est une grande fierté, elle fait de la préservation et de la valorisation de cet héritage culturel une nécessité. 

Nous sommes à Hoi An, dans la province centrale de Quang Nam, juste après le retrait des eaux. Les touristes affluent de nouveau vers l’aire de bài chòi. Au milieu, trône un tube en bambou contenant des cartes. Au son effréné des tambours, les gagnants se voient remettre des fanions roses. Les touristes écoutent attentivement la guide qui leur explique les règles du jeu: « Vous pouvez participer au jeu et écouter les artistes Hieu chanter des airs folkloriques de la région. Le jeu, qui dure de 5 à 7 minutes, ressemble plus ou moins à une loterie mais utilisant des mots. »

« Bài chòi » est un mot composé de « bài », qui signifie chant, en français, et de « chòi », belvédère ou cabane sur pilotis. Les joueurs se trouvent dans neuf ou onze cabanes installées en deux rangées se faisant face. Au fond, se trouve la plus grande cabane destinée aux dignitaires locaux. Une trentaine de cartes sont réparties équitablement entre les joueurs. Le maître de jeu dispose des mêmes cartes contenues dans un tube en bambou, lequel est accroché sur une perche suffisamment haute pour que les artistes puissent retirer les cartes mais sans voir de quelle carte il s’agit.  Ces artistes peuvent être des hommes ou des femmes, pourvu qu’ils aient une très belle voix et qu’ils connaissent une multitude de mélodies et d’histoires populaires. Le ou la Hieu tire des cartes de ce tube, et à chaque fois il ou elle chante pour faire deviner au public quelle carte il ou elle a tirée. Cette partie du jeu s’appelle « Hô Thai ». Les joueurs achètent trois cartes et attendent dans la cabane. Le gagnant, qui remportera un prix, est la personne dont les trois cartes sont identiques aux cartes chantées par les artistes Hieu. Ensuite, une nouvelle partie peut démarrer.

Le bài chòi est une forme d’activité culturelle répondant aux besoins de divertissement de la communauté. Il s’exprime sous deux formes, jeu et spectacle. A Hoi An, avec leur voix veloutée et leur humour, les artistes Hieu sont de véritables célébrités.  Le Dieu Khoa est l’une d’entre elles: « En début d’année, je chante ces vers: nous nous prosternons devant l’autel des ancêtres, les priant de nous apporter sérénité, santé et joie. Que nos enfants réussissent leur vie ! Que nos affaires soient dix fois plus fructueuses que celles de l’année dernière ! »

En fait, le bài chòi est un art folklorique alliant musique, poésie, théâtre, peinture et littérature.  Écouter le bài chòi permet aux membres de la communauté de comprendre les traditions et de partager leurs sentiments, leurs connaissances et leurs expériences. Le bài chòi raconte des histoires sur les mœurs, la compassion et l’amour du village, de la nation et de l’unité nationale. Les spectacles de bài chòi sont tragicomiques. Ils portent un regard humoristique sur la vie en général et sur les mauvaises habitudes, ce qui donne au public matière à réfléchir et à rire. Les pratiquants transmettent à la jeune génération non seulement les répertoires chantés, les techniques de chant et d’interprétation, mais aussi la façon de fabriquer les cartes. Mais maintenant que l’Unesco a honoré cet art, les efforts de préservation devront être plus importants, estime Phung Tan Dong, un spécialiste du bài chòi: « Cette reconnaissance mondiale est pour nous une grande fierté. Mais la préservation du bài chòi doit faire l’objet d’une politique nationale, et pas seulement locale. Il faut investir dans la formation, formation des pratiquants de cet art, mais aussi d’un public à même d’apprécier ses valeurs et de l’aimer. »

Ces dernières années, avec le soutien de l’Etat, 90 groupes et clubs de bài chòi ont été créés. Hoi An est la première ville à avoir introduit cet art à l’école, nous explique Tran Dinh Chau, directeur adjoint du centre municipal de la culture et des sports: “Depuis une bonne quinzaine d’années, nous initions les jeunes au bài chòi à l’école, lors de séances extrascolaires. Thu Sang et Thu Ly ne sont que deux parmi les très nombreux élèves que nous avons formés et qui sont devenus des chanteurs appréciés. A la faveur de nos classes de chant, une jeunesse sachant chanter et apprécier le bài chòi est apparue. »

Dans le dossier de candidature que le Viet Nam a soumis à l’Unesco pour le classement du bài chòi sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, il a proposé des moyens de sauvegarde jusqu’en 2020. Il s’agit entre autres d’aider les clubs de bài chòi à former des artistes Hieu, de publier des documents et des vidéos de promotion, et de multiplier les échanges entre pratiquants de différentes localités, y compris sur les styles et techniques de représentation.

VOV