Pendant le Têt traditionnel, les touristes peuvent s’enfoncer dans la province montagneuse de Hà Giang (Nord) pour contempler ses superbes paysages façonnés par la nature et l’homme, mais aussi pour participer aux festivités, dont les combats de boucs.
Les premiers jours du Nouvel An lunaire, les minorités ethniques du district montagneux de Hoàng Su Phi (Hà Giang) mettent temporairement de côté leurs activités agricoles pour laisser la place au Festival de combats de boucs.
L’arène est installée dans le parc du siège du Comité populaire de la commune de Thông Nguyên, et délimitée par une simple clôture à claire-voie. Organisées sous forme de tournoi, ces joutes réunissent 38 caprins mâles sélectionnés après des éliminatoires. À l’origine réunis en une seule et même catégorie, les boucs, en raison de la nette disparité des forces en présence, ont été ensuite divisés en trois catégories. La première oppose les 41-50 kg, la deuxième les 36-40 kg et la troisième regroupe les “bimes”, c’est-à-dire, les chevreaux de 31-35 kg.
Des joutes endiablées, un public aux anges
L’ordre de la bataille se décide par tirage au sort. Chaque bête porte un numéro au cou. La compétition commence vers 08h00 et se prolonge jusque dans l’après-midi. La lutte dure jusqu’à ce que l’un des combattants (en un contre un) cède et s’éloigne, après quoi il est éliminé de la compétition.
Le match commence après le coup de sifflet de l’arbitre. Les boucs sont "à bloc". Le regard fier, vif et incisif. Chaque action est calculée pour faire mal à l’adversaire : jeu de corne, coups de tête donnés en se cabrant pour maximiser la puissance de l’impact... Le but étant de submerger l’opposant pour remporter la victoire.
Sous les "hourras" du public, les caprins font étalage de leur force, sous la "guidance" de leurs maîtres qui leur hurlent les consignes "Retourne-toi !", "Saute !", "Frappe !" tout au long de la joute. Et pourtant, à l’extérieur de l’arène, les créatures paraissent si inoffensives ! Jusqu’à ce qu’elles entrent dans la danse et croisent le regard de leur opposant. Elles se hissent sur les pattes arrière et bim ! Les cornes s’entrechoquent et le public rugit pour encourager les bêtes qui, d’un coup, semblent avoir le diable chevillé au corps.
L’intelligence tactique des boucs surprennent les spectateurs qui assistent pour la première fois à la scène. "Je suis aux anges ! Le combat est moins effrayant que celui des buffles mais aussi acharné", confie Vuong Xuân Khiên, un touriste.
Le tournoi a rendu son verdict. Les premiers prix ont été décernés au bouc de Vàng Van Luong, de la commune de Ban Peo, dans la catégorie 36-40 kg, et à la bête de Hâu Duc Son, de la commune de Nam Son, chez les 41-50 kg.
Promouvoir le cheptel caprin
Les combats de boucs sont organisés régulièrement au printemps ainsi qu’à d’autres festivités traditionnelles de Hà Giang telles les fêtes Gâu Tào (où l’on invoque la pluie et un temps clément pour obtenir des récoltes abondantes) et Lông Tông (descente au champ) de l’ethnie H’mông.
Ici, les conditions météoro-logiques et géologiques sont particulièrement propices aux chèvres. Hoàng Su Phi, un district pauvre frontalier avec la Chine, doit son développement économique à l’agriculture, à l’élevage, caprin notamment. Il n’est pas rare d’y voir des troupeaux de chèvres pâturant sur les flancs des montagnes, le district comptant environ 30.000 têtes.
"Nous organisons ces combats de boucs pour le plaisir d’offrir une manifestation nouvelle dans la commune et pour qu’il y ait une rencontre conviviale entre les éleveurs et les curieux, ce qui a pour effet de resserrer la solidarité", explique avec un large sourire Lo Van Chung, vice-président du Comité populaire de Hoàng Su Phi.
Selon les éleveurs expérimentés, pour former un vrai “gladiateur caprin”, il faut procéder à un entraînement spécifique, outre la séparation de l’animal du cheptel et un régime alimentaire adapté à ses nouveaux besoins. Habituellement, un bouc de combat est en âge d’être sélectionné lorsqu’il a dépassé un an. Deux mois avant la compétition, la bête est initiée à la course pour tester sa résistance. L’entraînement au combat à proprement parler peut alors commencer, lequel permettra au bouc d’acquérir tout le bagage dont il a besoin avant de fouler la terre battue de l’arène.
"Les combats de boucs sont un divertissement depuis longtemps. Mais ces dernières années, ils ont pris une autre dimension avec l’organisation d’un tournoi. C’est très important pour nous car, d’une part, cela permet d’encourager la population locale à développer l’élevage caprin et maintenir la qualité du bétail et, d’autre part, c’est devenu une véritable attraction touristique", explique Lo Van Chung.
Après l’effort, le réconfort. Fini les passes d’arme, les courageux "gladiateurs" peuvent enfin revenir à leur vie paisible, gambadant et broutant dans les vastes pâturages de montagne. En attendant l’année prochaine !