Fondé il y a plus de 300 ans, le village de Buu Long, dans la province méridionale de Dông Nai, est un des villages de métiers les plus connus. Les sculptures du village connaissent un franc succès, pourtant le village est aujourd’hui menacé.
Jour de grande chaleur. Nous venons visiter le village des sculptures en pierre de Buu Long. En passant par la porte du Temple de la Littérature Trân Biên pour pénétrer dans le village, nous sommes plongés dans une ambiance tumultueuse, rythmée par les coups de marteau et le ronronnement des machines à polir et à découper - sons caractéristiques des ateliers de sculpture.
Le patron d’un de ces ateliers est le sculpteur Ly Hùng Kiêt (53 ans), fort de 38 ans d’expérience, qui réalise minutieusement une sculpture originale. D’autres sculpteurs autour de lui sont également absorbés dans leur travail, attelés à créer des statues de bouddha.
Selon lui, l’art de la sculpture sur pierre est apparu pour la première fois dans le village de Buu Long en 1679. Parmi les maîtres-sculpteurs, 8 familles des lignées Luu, Dang et Pham créèrent le village de Buu Long, dans la province de Dông Nai. Ils développèrent et perpétuèrent le métier traditionnel légué par leurs ancêtres jusqu’à aujourd’hui.
Au moment du développement de la sculpture en pierre, des centaines de foyers vivaient de cet artisanat, avec environ 40 ateliers actifs. Aujourd’hui encore, les sculptures de ce village sont prisées et vendues non seulement au Vietnam mais aussi à l’étranger: en France, aux États-Unis ou encore Canada. Autels, brûle-parfums, lampes, tablettes de culte, stèles funéraires, mortiers, tasses, vases, pièces d’échecs ou encore statues de Bouddha sont quelques-uns des produits fabriqués à Buu Long.
À l’époque, les sculpteurs faisaient tout manuellement. Les outils utilisés dans la transformation des blocs de pierre en œuvres d’art étaient des outils manuels, non mécanisés: seulement des masses, des petits marteaux ou encore des ciseaux. Il fallait d’abord tailler le bloc de pierre brut en lui donnant une première forme, puis dessiner dessus à l’encre la forme voulue avant de la tailler. La dernière étape était le polissage, un travail assez pénible.
Les œuvres de Buu Long sont toujours taillées dans des blocs de pierre brute arrachées à la montagne. La pierre est était choisie en fonction de ses caractéristiques physiques (densité, volume, surface, dureté), puis est transportée à l’atelier. L’artisan doit la travailler avec des ciseaux de toutes sortes et utiliser différentes techniques pour lui donner vie.
Mais maintenant, les artisans de Buu Long utilisent des techniques plus modernes, et les blocs de pierre sont découpés et dégrossis avec des machines. La fabrication des produits en pierre est devenue plus facile. Toutefois, quelques sculptures nécessitant précision et souplesse se font toujours à la main, et de gros blocs de pierre brute se muent œuvres d’art sculptées finement.
Un art en danger
Il est difficile de fabriquer des sculptures en pierre. Ce travail est très pénible. De plus, il exige de la dextérité et de la créativité. Néanmoins, il s’agit d’un métier traditionnel qu’il faut protéger. À l’heure actuelle, dans le village, il reste seulement 7 ateliers de sculpture et 20 artisans. "Nos enfants ne poursuivent pas ce métier. Il est trop dur et trop pénible", a partagé M. Kiêt.
En outre, pour maintenir la production, les habitants doivent acheter les matières premières dans les carrières de la commune de Hoà An, Tân Hanh (ville de Biên Hoà) ou encore dans celles de la commune de Tân Hiêp (province de Binh Duong). Les frais de transport sont élevés, et la qualité des blocs de pierre n’est pas toujours bonne. Jusqu’à aujourd’hui, la plupart des ateliers existent encore grâce à la fabrication des stèles funéraires ou d’escaliers. La concurrence est devenue de plus en plus rude pour les créateurs du village de Buu Long, poussant certains habitants à quitter leur village natal afin de chercher des opportunités d’emploi dans les villes.
D’après Pham Duy Luân, un sculpteur de 52 ans, la perpétuation de ce métier traditionnel est une question de passion mais aussi de responsabilité, responsabilité que doivent prendre les jeunes générations dans la préservation de la culture léguée par leurs ancêtres.