À Hai Phong, le chant des courtisanes renaît de ses cendres
Mettre à jour: 13 Août 2018
Créée en 1993, la compagnie de ca trù (chant des courtisanes) de Hai Phong a pris de nombreuses initiatives pour attirer l’attention du public sur cet art musical classé au patrimoine culturel de l’UNESCO, avec une certaine efficacité. Une nouvelle génération de pratiquants a vu le jour dans cette ville portuaire.

Une dizaine d’enfants âgés de 10 ans interprètent avec passion des chants classiques du ca trù. Ils font partie de la quatrième promotion du club de ca trù de l’école primaire Nguyên Công Tru. Depuis mai, ils sont encadrés par des artistes de la compagnie de ca trù de Hai Phong.

Ce club est devenu pour eux leur lieu de rendez-vous favori, comme confient deux de ces enfants. «J’attends avec impatience le mardi et le vendredi pour revoir mes amis et mes professeurs de ca trù. J’adore cet art musical. A la maison, je travaille le rythme avec deux crayons sur la table», dit l’un. «Je suis fière de pouvoir chanter le ca trù et de le faire connaître à autant de monde que possible», renchérit l’autre.

Le club de l’école primaire Nguyên Công Tru est l’un des cinq clubs formés par la compagnie de ca trù de Hai Phong. Depuis 2015, celle-ci a déjà formé quatre promotions d’élèves.

Mais les jeunes ne sont pas les seuls à s’intéresser au ca trù. Les clubs spécialisés de la ville comptent aussi, parmi leurs membres, des enseignants, des médecins ou encore des fonctionnaires. Dans ces clubs, les femmes apprennent à chanter en s’accompagnant de percussions ressemblant à des claves, tandis que les hommes apprennent à jouer du tambour et du dàn day, un luth à trois cordes typique de ce genre musical.

Le tambourineur Bùi Dinh Thao, membre de la compagnie de ca trù de Hai Phong, explique la spécificité de son instrument: «Certains des enfants que nous formons sont très motivés sans doute parce que fiers de la reconnaissance par l’UNESCO des valeurs exceptionnelles de cette tradition musicale. Au bout d’un an, plusieurs maîtrisent le rythme. Pour bien jouer du tambour, il faut avoir une bonne oreille de façon à s’adapter au rythme de la chanteuse et du joueur de dàn day.»

Créée il y a 25 ans, la compagnie de ca trù de Hai Phong a réussi à redonner vie à cet art ancien. Parmi ses membres, neuf ont reçu des titres honorifiques remis par l’État. La compagnie a également décroché dix médailles d’or et de nombreux satisfecit lors de festivals nationaux de ca trù.

Mais pour son président, Dô Quyên, la grande satisfaction vient de la naissance d’une nouvelle génération de pratiquants: «Moi, j’ai appris le ca trù de grands maîtres et j’ai transmis mon savoir à des élèves qui sont devenus formateurs à leur tour et ainsi de suite. Cette continuité est indispensable à la préservation du ca trù.»

À Hai Phong, les nouveaux pratiquants de ca trù sont aujourd’hui capables de se produire sur scène. La nouvelle étape consistera à sensibiliser le grand public sur la valeur de cet art ancien, l’objectif final étant de sortir le ca trù de la liste du patrimoine culturel immatériel en danger critique, pour qu’il soit reconnu tout simplement comme un bijou du trésor mondial.

AVI