Pour la 3e année consécutive, la danse contemporaine européenne vient faire son festival du 25 au 29 septembre à Hanoi, pour une rencontre avec le public vietnamien. L'évènement prend un peu plus d'ampleur pour cette nouvelle édition, avec une coopération avec cinq pays différents, dont le Japon, la France et Israël.
Ce festival encore très jeune s'appelait jusqu'à l'an dernier "Rencontres de l'Europe et du Vietnam dans la danse contemporaine". Cette année, le Japon s'est greffé à l'évènement, qui, pour l'occasion, a changé de nom. Désormais, le public assistera aux "Rencontres de l'Europe et de l'Asie dans la danse contemporaine". Même si le continent est encore bien peu représenté. "J'aimerais que l'on travaille avec des pays voisins, ce serait vraiment intéressant", a souligné Almuth Meyer-Zollitsch, directrice de l'Institut Goethe de Hanoi, co-organisateur de l'évènement avec l'Opéra de Hanoi. Les propositions sont donc ouvertes pour les prochaines éditions.
Underground, entre art et réalité
Au total, sept pièces seront jouées pendant cinq jours à l'Espace français et au Théâtre de la jeunesse. La manifestation sera inaugurée ce 25 septembre par Underground, un spectacle co-écrit par un chorégraphe anglais installé à la Rochelle depuis plus de 15 ans, John Bateman, et un vietnamien, Nguyên Anh Duc.
En résidence au Vietnam depuis juillet dernier, John Bateman a choisi pour ce festival un thème historique : la vie dans les tunnels de Cu Chi, près de Hô Chi Minh-Ville, pendant la guerre du Vietnam. Ce labyrinthe de 250 km de long a notamment été utilisé par les combattants du FNL pour se cacher durant les combats, comme voies de communication, d'approvisionnement, d'hôpitaux, de réserves de nourriture, d'armurerie. Au plus fort de la guerre, ils abritaient 16.000 personnes.
Dans cette pièce, les chorégraphes ont souhaité recréer l'univers de cette fourmilière organisée. Les sons du métronome, des abeilles et des fourmis proposent une dichotomie avec les mouvements méthodiques, hiérarchisés et quasi-systématiques des quatre danseurs français et vietnamiens.
"Ces hommes vivaient dans un labyrinthe. Quand l'un tournait à droite, le suivant faisait de même. C'était une question de survie", souligne le metteur en scène anglais passionné d'histoire. Ce soir, le spectacle se jouera à l'Institut français, sur une scène de petites dimensions. "Cet espace réduit rappelle l'étroitesse des tunnels et permettra de bien transmettre le sentiment que je veux faire passer", a-t-il ajouté. Notons que la pièce sera ensuite jouée à la Rochelle en 2014 dans le cadre de l'Année Vietnam-France.
Un festival éclectique
Les autres spectacles de cette troisième édition seront présentés au Théâtre de la jeunesse. "On ne veut pas rester fermé sur la danse contemporaine au sens strict du terme, c'est pourquoi nous avons choisi de programmer cette année des pièces intégrant d'autres genres comme le hip-hop ou la danse classique", a indiqué Pham Anh Phuong, directeur de l'Opéra de Hanoi.
Ainsi, le nouveau venu, le Japon, par le biais de la fondation japonaise, viendra présenter au public une jeune femme déjantée et pleine de talent, Mikiko Kawamura, dans Alphard. Au moyen d’un dispositif lumineux original, la chorégraphe partagera la scène en neuf carrés, répondant chacun à un thème musical différent. Selon l'artiste, c'est comme si on «marchait sur les perceptions». Mélangeant hip-hop et danse contemporaine, cette danseuse de seulement 23 ans est une véritable surprise pour ce festival. "C'est la première fois que je viens au Vietnam, et c'est pour moi une belle occasion de découvrir de nouvelles façons de travailler et pourquoi pas de créer des contacts pour des collaborations futures", a-t-elle confié. Et à la directrice de l'Institut Goethe d'ajouter : "Le Japon aime la culture contemporaine, c'est pourquoi le pays aime participer à des manifestations innovantes. C'est bon pour leur image et leur notoriété". C’est la première fois également que le festival de danse accueille une pièce israëlienne. Mushroom Z, pour trois danseurs, présente avec humour et originalité un groupe de personnes différentes, et leur comportement au sein d'un environnement urbain fait de tentations, d'extases, de routine, de déceptions, de plaisirs, d'hallucinations. Le chorégraphe Nadav Zelner est reconnu en Israël et dans le monde entier.
Enfin, le festival présentera Lighters, une co-production germano-vietnamienne mise en scène par Anna Konjetzky (voir notre article du 5 mars 2013 Allemands et Vietnamiens au rythme de la danse contemporaine) ; In translation, qui offrira au public vietnamien un extrait de danse britannique, sur une musique de Johann Sebastian Bach ; et une pièce solo belge de Fré Werbrouck, Sillon, interprétée par Sara Sampelayo Fernandez.
La manifestation se clôturera le 29 septembre par le spectacle Petiteshisoires.com de Kader Attou et sa compagnie Accrorap, qui jouera des scénettes humoristiques. L'objectif du chorégraphe est de créer un lien entre la danse contemporaine et le hip-hop. Ce qu'il réussit avec brio.
Reste maintenant à attirer le public, ce qui n'est pas toujours garanti en danse, et notamment au Vietnam. Pourtant, le développement du festival est un témoignage de son succès et, comme l'a justement rappelé la directrice de l'Institut Goethe de Hanoi, "le défi est stimule la création".