Hanoi disposait, à l’époque où la ville s’appelait Thang Long, de plusieurs danses issues du mariage de différentes cultures. Avec le temps, ces danses ont peu à peu disparu. Déterminés à redonner vie à ce patrimoine, les chercheurs sont partis à la recherche des derniers danseurs qui détiennent encore le secret des danses anciennes. Le Hong Thang, un grand nom de la danse vietnamienne, fait partie de ces chercheurs.
Le Hong Thang n’est pas Hanoienne de souche. Elle est originaire de la province centrale de Thanh Hoa. Dans les années 1960, elle a été recrutée par l’école nationale de danse, ce qui lui a permis de venir à Hanoi et de prendre connaissance des danses typiques de la capitale. Son amour pour Hanoi est né ainsi, explique-t-elle : « La danse est une des composantes de la civilisation hanoienne. Les danses anciennes nous renseignent sur la richesse culturelle de Hanoi d’antan mais aussi sur la créativité de ses habitants. Je pense qu’il faut restaurer ce patrimoine, le préserver et le léguer aux générations futures. »
Les danses anciennes sont indissociables de leur environnement, autrement dit de l’espace culturel rural et de ses fêtes traditionnelles. Pour restaurer une ancienne danse, les fouilles d’archives ne suffisent pas. Il faut surtout consulter les connaisseurs et établir une troupe de jeunes locaux pour répéter. Dans ce domaine, Le Hong Thang est un brillant exemple, comme en témoigne Nguyen Van Bich, président de l’association des danseurs de Hanoi : « Mme Thang s’est beaucoup investie dans ce travail. Elle s’est rendue dans les villages qui conservent encore des danses anciennes, notamment à Phu Dong et Le Mat. Elle a convaincu les villageois en leur expliquant que préserver les danses traditionnelles, c’est préserver l’âme des ancêtres. Elle a effectué des recherches poussées. Son mérite est indiscutable. »
Pour Le Hong Thang, restaurer les gestes et les couleurs ne suffit pas. Elle veut surtout faire revivre l’esprit de ceux qui ont créé ces danses. Ses efforts ont forcé l’admiration du folkloriste Le Thanh Bao. « Mme Thang a réussi à ressusciter le langage des danses anciennes qui se traduit par des gestes et des expressions du visage, lesquels sont tous très délicats », dit-il.
Avec à son actif une bonne cinquantaine d’années dans le métier de la danse, Le Hong Thang a contribué à restaurer une dizaine de danses anciennes, ce qui lui a valu évidemment le respect de ses confrères et consoeurs, mais aussi un siège au comité exécutif de l’association des danseurs de Hanoi pendant 20 années consécutives. Elle a même occupé le poste de vice-présidente de cette association à 3 reprises.
Aujourd’hui septuagénaire, Le Hong Thang partage toujours son temps entre les archives et les visites de terrain. Elle se tourmente de n’avoir pas encore réussi à restaurer Nghiem Quan, une danse traditionnelle de la commune de Hoai Duc. Mais la danseuse peut en tout cas être fière de ce qu’elle a fait, et surtout des liens très forts qui se sont tissés avec les villageois. A chaque fête, c’est à elle qu’ils pensent en premier. Elle est devenue une figure incontournable de ces fêtes. Les villageois en sont conscients : sans Le Hong Thang, leur danse traditionnelle aurait tout simplement disparu, pour toujours.