L’espace culturel des gongs du Tây Nguyên fait l’identité de la région et apparaît au patrimoine de l’humanité. Consciente de sa valeur inestimable, la région fait beaucoup d’efforts pour préserver cette tradition.
Situé sur les hauts plateaux du Centre, le Tây Nguyên comprend cinq provinces - Dak Lak, Dak Nông, Gia Lai, Kon Tum et Lâm Dông - qui abritent principalement des ethnies minoritaires aux couleurs culturelles originales. Et quand on s’intéresse à la culture du Tây Nguyên, impossible de ne pas citer l’espace culturel des gongs, reconnu depuis 2005 comme Patrimoine culturel immatériel et oral de l’humanité par l’UNESCO.
Des anthropologues estiment que la musique des gongs du Tây Nguyên est un trésor de la culture populaire vietnamienne et en constitue une part originale depuis des milliers d’années dans cette région. Pour les habitants locaux, le son des gongs est indispensable pour célébrer toutes sortes de fêtes et il les accompagne toute leur vie depuis leur naissance jusqu’à leur maturité, et enfin leur mort.
Les ethnies minoritaires considèrent le son des gongs comme le souffle vital du village. Ils peuvent porter différentes significations en fonction des circonstances et du moment dans lesquels on en joue : mariage, fête de maturité des hommes, cérémonie de prières pour la santé, pour la bonne moisson ou pour les pluies, funérailles, etc. Mais, dans chacun des cas, les gongs portent un message de vitalité durable de la terre. «Chaque fois que le son des gongs résonne, c’est qu’il est l’heure de se réunir pour des événements communautaires du village», explique H’Grai, 60 ans, de l’ethnie Ê Dê.
L’âme d’une terre
Les gongs ne sont pas de simples instruments de musique à percussion, mais aussi des biens précieux et sacrés de la famille. Autrefois, à travers les gongs de différentes tailles, on pouvait estimer la richesse de la famille qui les possédait. Les gongs constituent encore un langage merveilleux permettant à l’homme de communiquer avec les Dieux. Selon la conviction des habitants du Tây Nguyên, les gongs abritent des Dieux, qui disposent de leur propre vie sentimentale et de leur propre famille. Puissants, ils sont capables d’apporter fortune ou bonheur à l’homme, tout comme attirer le malheur quand ils sont en colère.
«Le son des gongs constitue un moyen de communication avec les génies», affirme H’Grai. C’est pour cette raison que les gongs ne peuvent être joués à n’importe quel endroit. Ils se jouent lors des fêtes, dans un espace approprié constitué de forêts, de montagnes et de champs en harmonie avec les habitations. La manière d’en jouer et les rythmes des sons varient selon les ethnies.
Au fil des années, l’urbanisation et l’industrialisation ont rapidement transformé la région. Le Tây Nguyên est maintenant confrontée au risque de la disparition de ses valeurs culturelles traditionnelles sous les flots de la modernité. Mme Ho Duyên, responsable de la Troupe artistique du district Dak Po, province de Gia Lai, s’inquiète de la nouvelle tendance qui entraine les jeunes à écouter de la musique pop, hip-hop ou rock plutôt que la musique traditionnelle. À terme, la musique traditionnelle pourrait finir par sombrer dans l’oubli.
Actions de préservation
La musique des gongs risque de connaître le même sort. C’est pourquoi le Tây Nguyên a créé des activités de préservation et de mise en valeur de cet héritage. «Mieux que toute autre mesure, le sentiment des habitants pour la culture des gongs constitue un élément fondamental, un moteur pour préserver cette tradition originale», observe K’sor Hân, patriarche de la province de Gia Lai, voué aux activités de préservation et de mise en valeur de la culture des gongs.
Toute une série de mesures ont été prises et d’importants investissements de la part de l’État, des localités et d’autres organismes ont été réalisés pour perpétuer la tradition de ces instruments de musique : collection de gongs perdus, cours de gongs à l’intention des jeunes, festivals annuels de gongs dans les communes et les districts...
Les provinces du Tây Nguyên ont redonné vie à une vingtaine de fêtes, comme celle de la célébration du Nouvel An de l’ethnie Xê Dang, le mariage des Ba Na, la fête Cha Kcha de l’ethnie Gie Triêng, etc. Les provinces ont ouvert des classes de formation à la culture des gongs pour les jeunes des villages. Ces classes sont animées par les artisans expérimentés Ê Dê, M’Nông et Jrai. Les premiers résultats sont encourageants : la province de Dak Lak a créé plus de 500 troupes de jeunes joueurs de gongs.