Le sous-sol du palais du trône de Kinh Thiên, datant du XVe siècle et situé dans l’ancienne cité impériale de Thang Long, Hanoi, continue d’être l’objet d’études archéologiques. Les dernières fouilles, en 2014, ont révélé des traces des cultures qui s’y sont succédées.
Le palais du trône de Kinh Thiên en 1873.
Le palais du trône de Kinh Thiên est l’un des chefs-d’oeuvre de l’ancienne architecture vietnamienne, selon le livre Dai Viêt su ky toàn thu (Annales complètes du Dai Viêt). L’ouvrage a été construit en 1428 au milieu de la cité impériale de Thang Long, sous le règne du roi Lê Thai Tô (1428-1433). Aujourd’hui, seule demeure une partie du sol du palais et des marches en pierre entourées de rampes en forme de dragon. Le secteur du palais est fouillé depuis 2004. Les travaux archéologiques sont menés par le Centre de conservation du patrimoine de Thang Long-Hanoi et l’Institut national d’archéologie.
Les fouilles de 2014, dont les résultats ont été publiés en décembre dernier dans le cadre d’un colloque à Hanoi, ont attiré l’attention des professionnels. En effet, elles ont permis de dévoiler l’espace principal du palais qui a servi sous les Lê postérieurs (1428-1527) et Lê Trung Hung (1533-1788). La cour royale Dan Tri a été localisée, les fondations des couloirs de la cité ont été trouvées, etc.
«Nous pensions que la situation économique était terne sous le règne des rois Lê Trung Hung. Mais les fouilles de 2014 ont révélé que cette époque-là, notamment le XVIIe siècle, a été marquée par la construction de grands ouvrages architecturaux. Cette période-là a été la plus prospère des rois Lê Trung Hung», constate le Professeur Phan Huy Lê, président de l’Association des sciences et de l’histoire du Vietnam.
Des cultures qui se chevauchent
Outre les traces de la dynastie des Lê, les archéologues ont trouvé des ouvrages de construction datant des Nguyên (1802-1945), des Trân (1225-1400) et des Ly (1010-1225). «Nous avons découvert des traces de cultures qui se chevauchent», révèle le Docteur Tông Trung Tin, président de l’Institut national d’archéologie. En effet, les experts ont trouvé des fondations de colonnes de pierres et des traces d’une cour de briques datant de la dynastie des Ly, découverte qui a permis de formuler l’hypothèse selon laquelle il existait une grande cour destinée aux réunions royales. En outre, les archéologues ont identifié un large réseau d’adduction d’eau datant de l’époque des Trân, avec notamment un tronçon large de 1,8 mètre qui croisait un système d’évacuation des eaux construit sous les Ly, fouillé il y a deux ans dans ce même endroit.
Revenant sur la découverte des réseaux d’adduction d’eau des Trân, l’historien Phan Huy Lê pense qu’il est possible qu’il s’agisse d’un «ouvrage au service du Feng shui plutôt que d’une construction civile pour amener les eaux usées à la rivière Tô Lich». Comme esquissé dans l’hypothèse initiale. En outre, les spécialistes ont révélé bon nombre de céramiques et de faïences ayant servie sous les Lê.
Ce sont pour la plupart des brisures de céramiques bleutées, de vases et de briques rouges. Deux autres objets sortent du lot, une épingle à cheveux pour femme et une petite statuette représentant un dragon d’or avec des gravures en forme de pétales de lotus. Le Professeur Hoàng Van Khoan pense que cet objet décoratif a été fabriqué vers la fin du règne des Ly. En effet, les ongles et la crête de l’animal ressemblent aux dragons des Ly, mais son corps courbé à ceux des Trân.
«La complexité des cultures qui se chevauchent sous le palais de Kinh Thiên place les professionnels dans un vrai labyrinthe. Je pense qu’il faudra attendre la fin du XXIe siècle avant que nous puissions décoder tous ces vestiges architecturaux», prévoit l’archéologue Tông Trung Tin.
Cette année, les archéologues ont proposé d’élargir les fouilles vers l’est du site. Ils se préparent également à un colloque pour donner et recueillir les évaluations sur les recherches de la cité impériale de Thang Long, cinq ans après sa reconnaissance par l’UNESCO comme Patrimoine culturel mondial.