Hô Khanh a trouvé de nombreuses grottes dans la province de Quang Binh (Centre), dont la fameuse Son Doong, qualifiée dès sa découverte de caverne de tous les superlatifs. Rencontre avec un coureur des bois invétéré.
Hô Khanh (droite) et Howard Limbert.
Hô Khanh est un homme de 48 ans, grand et robuste. C’est dans les années 1990 qu’il se met à fréquenter assidûment la forêt sur karst de sa région, réputée pour son impénétrabilité en raison du relief accidenté. «À cette époque-là, moi comme de nombreux locaux allions en forêt pour gagner notre vie, c’est-à-dire attraper des animaux ou cueillir des plantes de valeur. Un jour, je suis tombé sur une cavité d’où s’échappait une sorte de brouillard et un fort courant d’air». L’entrée d’une caverne, qu’il n’explore pas faute d’équipements.
En 2008, un groupe de l’Association britannique de recherche de cavernes (The British Cave Research Association-BCRA) débarque à Quang Binh pour y explorer le riche réseau karstique.
Une trentaine de cavernes découvertes
«Les spéléologues britanniques ont rencontré des locaux connaissant bien la forêt pour avoir d’éventuelles informations sur les cavernes. Je leur ai raconté ce que j’avais vu, un jour. Ce halo blanc sortant d’une cavité. Howard Limbert, le chef du groupe, a eu l’air très intéressé», se souvient Khanh. M. Limbert estime en effet qu’il doit s’agir d’une grande caverne et demande à Khanh de tenter de retrouver le site. Le coureur des bois s’enfonce dans la jungle, et à la deuxième journée de recherche, retrouve la fameuse caverne.
Un an après, les spéléologues britanniques reviennent, toujours avec à leur tête Howard Limbert. Khanh les amène sur place. L’exploration débute et les Britanniques n’en croient pas leurs yeux. Avec ses 150 m de large, ses 200 m de haut et ses 5 km de long au moins, il s’agit de la caverne la plus grande jamais découverte dans le monde. On pourrait même y faire entrer un Boeing 747 !
Un guide connu et reconnu
En récompense de ses efforts, Hô Khanh a l’honneur de la baptiser : «Comme il est de coutume, c’est à la personne qui a découvert une caverne que revient le droit de lui donner un nom. J’ai choisi Son Doong, ce qui signifie le mont derrière le village de Doong». Depuis, l’«homme des bois» collabore avec les spéléologues britanniques. Il a trouvé et donné un nom à une trentaine d’autres cavernes, dont Nghia (nom de sa femme), Thai (nom de son enfant), Hùng (nom d’un ami).
Son Doong, la grotte la plus grande du monde.
C’est aussi Hô Khanh qui a découvert Thiên Duong, la bien nommée «grotte du paradis», qui accueille chaque année des milliers de touristes. «Parcourir la forêt n’est jamais facile. Les égratignures font partie du quotidien. Etre piqué par les insectes, voire par les serpents aussi», confie-t-il. Aujourd’hui, Hô Khanh est aussi guide pour de nombreux groupes de scientifiques (botanistes, zoologues).
En 2011, la caverne de Son Doong a commencé à accueillir ses premiers visiteurs. Hô Khanh a été embauché par la société Chua Me Dât (Oxalis) en tant que chef des porteurs. À noter que la visite de Son Doong ne s’improvise pas. Elle nécessite en effet de passer pas une agence, et de réserver un tour d’une semaine, compte tenu de la longue marche d’approche. Seules 225 personnes sont autorisées à la visiter chaque année. Le prix est plutôt dissuasif (3.000 dollars), mais la liste d’attente est longue (des étrangers pour la plupart).
Khanh a aussi un petit café à côté de la rivière Son non loin des cavernes de Phong Nha et Tiên Son, où l’on y parle… grottes bien sûr. Il a aussi aménagé quelques chambres chez lui pour accueillir les touristes. Bref, sa vie s’est bien améliorée depuis ses pérégrinations solitaires en forêt il y a plusieurs décennies à la recherche d’animaux et de plantes.
Hô Khanh et Howard Limbert viennent de recevoir par l’État vietnamien l’Ordre du Travail de 3e classe. Hô Khanh a largement contribué au développement du tourisme dans la province de Quang Binh. Howard Limbert, pour sa part, a été un pionnier dans l’exploration du réseau souterrain de Phong Nha-Ke Bàng.