Le lancement de l’école de Ca trù de Thang Long ne
marque pas seulement la forte reprise de cet art vocal reconnu par l'UNESCO
comme « patrimoine culturel immatériel mondial de l'humanité » mais aussi le
retour d'une ancienne forme d'organisation professionnelle tombée dans l'oubli.
Le Ca trù («chant des courtisanes»), aussi connu sous
le nom de chant «A dà o» ou «Hat noi» («chant de cérémonie»), est une forme
ancienne de musique de chambre du Vietnam, qui remonte à la fin du XVe-début du
XVIe siècles. Selon le professeur Trân Van Khê, spécialiste de la musique
traditionnelle vietnamienne, «il s’agit d’un art purement vietnamien. Dans une
école de Ca trù, la façon de jouer des instruments et de chanter est très
codifiée, l'évaluation et la sélection des chanteuses sont sévères, et
celles-ci doivent être talentueuses, belles et aussi vertueuses».
Jadis, afin de faciliter les affaires et les activités des écoles, ceux qui
étaient engagés dans des professions traditionnelles étaient rassemblés au sein
d’organisations professionnelles ou guildes, dirigées par les artistes les plus
talentueux.
Toute école de Ca trù dans le passé comportait des réglementations strictes en
matière de gestion et d'organisation du travail des artistes. Elle veillait aussi
au maintien des principes, des manières de travailler, des qualités morales des
artistes. Par exemple, le respect envers l'enseignant était fondamental. Les
élèves considéraient leurs enseignants comme leurs propres parents et après
chaque spectacle, ils leur remettaient souvent une partie de leurs gains.
Dans la société féodale, les chanteurs étaient méprisés en raison de la
croyance selon laquelle les «chanteurs n'appartenaient à aucune classe
sociale». Mais la création des écoles de Ca trù a contribué à honorer et Ã
affirmer la position et le rôle de ces artistes dans la société.
Malgré ses valeurs particulières, le Ca trù a failli disparaître. Heureusement,
grâce à sa vitalité ainsi qu’aux efforts inlassables des passionnés, cet art a
repris de la vigueur ces dernières années. Après plusieurs années de
recherches, le Club de Ca trù de Thang Long est né, avec des musiciens et
chanteuses célèbres Nguyên Phu De, Nguyên Thi Chuc et Nguyên Thi Huê, qui ont
créé la première et unique école du XXIe siècle. Le lancement de cette école
aidera non seulement à ressusciter les rites et les cérémonies précieuses d'une
école traditionnelle de Ca trù, comme la cérémonie de présentation de l'école,
la cérémonie d’ouverture des costumes d’apparat permettant aux chanteuses de
commencer à pratiquer la profession, le chant du cua dinh (« entrée de la
maison communale »)…, mais il marque aussi le retour d’une ancienne forme
d’organisation professionnelle tombée dans l'oubli.
C'est un bon signe pour le Ca trù, un art reconnu par l'UNESCO comme patrimoine
culturel immatériel de l’humanité, et qui a besoin d’une protection urgente.