Coincé entre la falaise et un gouffre, à plus de 1.600 m d'altitude, le col de Pha Din, d’une longueur de 32 km, était l’un des plus dangereux du Nord-Ouest.
Dans la langue thaï, Pha Din signifie la démarcation entre le Ciel et la Terre. Le col est surtout réputé pour avoir été le point de départ du transport des fameux canons anti-aériens tirés par les soldats vietnamiens durant la campagne de Dien Bien Phu.
Le col de Pha Din est aujourd’hui beaucoup moins dangereux car il a été réhabilité pour être moins élevé et plus large. Le passage du col est particulièrement intéressant avec ses paysages pittoresques et romantiques, surtout à la floraison des pruniers, demeurant le point de vue qu'il donne toute l'année et qui vaut réellement le détour.
Même si le panorama est incroyable, Pha Din est surtout connu pour être un des lieux associés à la victoire de Dien Bien Phu. Il y a 60 ans, les soldats vietnamiens et les jeunes volontaires ont emprunté ce col pour ravitailler en nourriture et en munitions le front de Dien Bien Phu. 60 ans sont passés mais les souvenirs restent gravés dans la mémoire de Hoang Van, le compositeur de la chanson « Ho keo phao », que l’on pourrait traduire par "Le chant pendant le tir des canons", inspirée de ce qui se passait au col de Pha Din :
« Avant d’atteindre le champ de Muong Thanh, nous devions emprunter un col très long qui nous permettait d’assurer depuis 1953 le ravitaillement pour le front. Cette route extrêmement sinueuse était alors la cible des bombardements français de jour comme de nuit. Les camions et les vélos qui transportaient le ravitaillement ont été détruits en masse et il fallait faire preuve de beaucoup d’imagination pour pouvoir passer ce col. Un jour, j’ai moi-même essuyé des tirs de canon et c’est ainsi que la chanson “Le chant pendant le tir des canons” m’est venue » se souvient le compositeur.
Les canons anti-aériens ont été transportés par ce col pour couvrir les collines de Him Lam, Doc Lap et A 1 où était retranché le camp du commandement du colonel de Castries. Une tâche extrêmement pénible.
« Pour pouvoir acheminer un canon jusqu’au sommet d’une colline, il faut des dizaines d’hommes qui doivent se répartir des deux côtés. D’un côté, on tire le canon, de l’autre on le pousse. On a été obligés de se servir d’un treuil mais à cause des tirs de l’ennemi, il arrivait aussi que le treuil soit sectionné et que le canon tombe dans le vide. Le héros To Vinh Dien a sacrifié sa vie pour arrêter la chute dans le vide d’un canon », nous raconte le compositeur Hoang Van.
Beaucoup d’autres routes ont également été empruntées pour acheminer les canons jusqu’à Dien Bien Phu. Parfois, elles n’existaient que pour quelques heures seulement. Bien que certaines étaient situées en plein milieu de la jungle, les hommes ont réussi à tirer des canons anti-aériens de 2,4 tonnes en traversant collines et montagnes sous le feu de l’ennemi. Grâce à ce labeur très dur, 40 canons de 75 mm et des obus de 120 mm ont réussi à parvenir au front. C’est ce matériel qui a permis aux Viet Minh d’attaquer la colline de Him Lam, marquant ainsi le coup d’envoi de la campagne de Dien Bien Phu.
« A 15 km de la cuvette de Dien Bien Phu, nous devions tirer nous-mêmes les canons, se souvient Pham Duc Cu, un artilleur. C’était un parcours très dur pour nous. C’est pourquoi, nous étions surnommés les artilleurs au corps de bronze et aux pieds de fer. Je n’oublierai jamais les pentes de Bay Toi, Suoi Ngua, Voi Phuc ou encore la colline U Mau où nous avons tiré des canons de 2,4 tonnes ».
A 20 km de la ville de Dien Bien, un monument commémoratif comprenant des statues de 12,5 m a été construit pour rendre hommage aux forces de l’artillerie, au héros national To Vinh Dien, et pour rappeler le passé glorieux de ces jeunes générations en guerre.