Si
les amoureux occidentaux ont leur Saint-Valentin, les Vietnamiens, eux, ont Chu
Dong Tu et Tien Dung: un couple idéal et idéalisé, un amour abouti! La légende
de leur amour, l’une des plus poétiques du folklore vietnamien, a même valu à
Chu Dong Tu, pêcheur de son état, de figurer au nombre des 4 immortels dans les
croyances populaires. Chaque printemps, au 10è jour du deuxième mois lunaire,
une fête est dédiée à ce couple légendaire dans la province de Hưng Yên, au
bord du fleuve Rouge, là où ils se seraient rencontrés il y a 2300 ans, vers le
IIIe siècle avant Jésus-Christ.
Au IIIe siècle avant JC, sous le règne du roi Hung le
XVIIIe , la jolie princesse Tien Dung adorait voyager. Un beau jour de
printemps, alors qu’elle avait déjà atteint l’âge de se marier, sa flotte
de bateaux l’amena à la plage de Tự Nhiên, au bord du Fleuve Rouge. Eprise par
la beauté sauvage du site, la princesse ordonna à ses servantes de dresser une
tente dans laquelle elle prendrait un bain. L’eau coula à flot sur le sable,
dévoilant un corps d’homme, dans le plus simple appareil! Mais c’est lui qui
fut pris de panique, pas elle, qui fit preuve d’un calme admirable en
l’interrogeant. Le jeune homme lui fit savoir qu’il se nommait Chu Dong Tu,
qu’il était orphelin et pêcheur et qu’en voyant les bateaux approcher, il avait
eu tellement peur qu’il avait décidé de s’ensevelir sous le sable. L’histoire
du jeune homme émut profondément la princesse d’autant plus et d’autant mieux
qu’elle se persuada que le destin avait joué son rôle dans cette
rencontre inopinée. Elle invita alors le jeune chanceux à monter sur son
bateau, organisa un banquet en son honneur et se maria avec lui. De ce jour,
les jeunes époux ne quittèrent plus cette fameuse plage. Ils aidèrent les
habitants des alentours à défricher des terres et à créer de nouveaux villages.
Un jour, Chu Dong Tu prit le large et se vit offrir par une divinité un bâton
et un chapeau conique magiques qui avaient la vertu de mettre la population à
l’abri des sécheresses et des épidémies. De fil en aiguille, la légende de Chu
Dong Tu et Tien Dung s’est transmise de génération en génération, devenant
l’une des plus belles histoires d’amour du folklore vietnamien. Nguyễn Hồng
Thuận, un patriarche du village de Dạ Trạch, lieu où se serait déroulée cette
histoire, nous raconte :“La princesse Tien Dung a appris aux autochtones à
travailler la terre. Elle était aussi un excellent médecin
puisqu’elle a guéri le roi-son père et des habitants de toute la contrée. Il
faut savoir que 72 communes en tout ont érigé chacune un temple à sa mémoire!
Mais un courtisan zélé a soufflé à l’oreille du roi que sa fille et son mari
fomentaient une rébellion, et le roi a alors envoyé des troupes ici pour les
réprimer. Ne voulant pas s’opposer au roi, Chu Dong Tu et Tien Dung se sont
envolés au ciel, laissant le bâton et le chapeau conique magiques. C’est sur le
lieu d’où ils sont partis que les villageois ont érigé un temple dans lequel
ils organisent tous les ans, au 10è jour du 2è mois lunaire, une fête à leur
mémoire.”
De cette légende, il reste aujourd’hui un énorme
marais aux eaux limpides, appelé Đầm Dạ Trạch - “marais d’une nuit”, en
français -, pour rappeler cette disparition, en une nuit, du couple Chu Dong
Tu-Tien Dung. La fête qui leur est dédiée attire chaque année des foules
nombreuses. Dès potron-minet, des hommes descendent du haut de la digue qui
borde le marais et des bateaux arrivent par le Fleuve Rouge. Tout le monde
tient à être présent lors de cette fête de l’amour, unique en son genre, qui a
lieu simultanément dans deux temples: l’un dans le hameau de Đa Hoà et l’autre
dans le hameau de Yên Vĩnh, tous deux dans la commune de Dạ Trạch et qui
proposent une kyrielle de rites solennels: processions de filanzanes, d’eau,
mais aussi du bâton et du chapeau conique magiques. Un énorme dragon de
plusieurs dizaines de mètres de large conduit le cortège, manipulé par de
jeunes hommes costauds. A l’emplacement où la princesse Tien Dung prenait son bain,
sur la rive opposée, des drapeaux colorés flottent. Des dizaines de milliers de
personnes se rassemblent au bord, attendant que des dizaines de bateaux
somptueusement décorés prennent de l’eau au milieu du fleuve. Cette eau, prise
par des patriarches du village et contenue dans un vase sur lequel est mis un
tissu rouge, fera ensuite l’objet d’une procession solennelle accompagnée
d’offrandes d’encens au temple. Après quoi, des jeunes filles présentent une
danse appelée “danse de fées”. Ces jolies jeunes filles qui sont en âge de se
marier et qui ont passé une sélection minutieuse dansent avec des rubans roses.
Sur leurs épaules, elles portent 2 gourdes d’eau. Sur une musique entraînante,
leur danse élégante hypnotise tous les regards.
Après les rites, vient la partie festive: course de
bateaux, lutte libre, combat de coqs… Le nombre de visiteurs ne cesse
d’augmenter ces dernières années, des Vietnamiens mais aussi des étrangers.
Pour les jeunes, le temple dédié au couple Chu Dong Tu-Tien Dung est le temple
de l’amour par excellence. Ils y vont donc prier les divinités de les aider à
rencontrer l’élu de leur coeur. Pour les étrangers, ce couple légendaire est
une sorte de Saint Valentin oriental. Hà Vân, étudiante à l’Ecole supérieure
des Finances de Hanoi, indique : “C’est la deuxième fois que je viens ici.
La dernière fois, je n’ai fait que prendre des photos sans trop m’intéresser à
la culture et à la légende qui circule autour de ce temple. Cette année, je
suis venue avec plus de monde et je me réjouis vraiment”.
Quant à Quang Tú, étudiant en dernière année à
l’école supérieure d’Architecture de Hanoï, il dit : “Je viens par voie
routière, par la digue. L’architecture de ce temple est vraiment belle. Je suis
content de m’imprégner dans cette ambiance festive.”
Dans l’animation générale des fêtes printanières, la
fête de Chu Dong Tu-Tien Dung fait revivre une histoire d’amour, redonnant de
l’espoir à tous ceux qui aspirent à un amour vrai et éternel surmontant tout
cliché, toute barrière sociale.