Des figures
variées accompagnées par des sons de gong interminables… une fois que vous
aurez assisté à une danse Khmu, vous ne serez pas près d’oublier cette
impression. Les Khmu, c’est une minorité ethnique que l’on rencontre souvent
dans le nord du Laos, mais aussi dans des pays voisins dont le Vietnam.
Aujourd’hui, nous allons nous rendre à Ten, un petit hameau de la province montagneuse
de Dien Bien, pour découvrir cette danse originale.
A l’écoute des
sons de gong, n’importe qui sent s’élever en lui une joie indicible. On se met
à chantonner et à gesticuler: impossible de rester immobile. Dans la jungle du
Nord-Ouest, la musique de gong des Khmu semble vouloir se fondre dans l’air pur
et frais d’une journée de fête villageoise.
Les instruments
de musique accompagnant une danse Khmu sont on ne peut plus simples: 2 gongs et
un tube de vieux bambou un peu plus grand que le mollet d’un adulte. Cet
instrumentarium rudimentaire n’empêche pas d’enflammer les danseurs, loin de
là! Selon Pham Minh Châu, une responsable de la culture de la province de Dien
Bien, “La danse traditionnelle des Khmu,
qui est un peuple travailleur, est caractérisée par des mouvements forts et
dynamiques. Les danseurs agitent souvent leur corps pour reproduire les
activités quotidiennes typiques de leur ethnie.”
Dans la commune
de Muong Phang où se situe le petit village que nous visitons aujourd’hui, les
Khmu préservent plusieurs figures de danse anciennes: les danseurs se tiennent
par la main pour former un cercle, ou se tiennent par le coude. Mais la figure
la plus difficile est sans conteste la “Vieng Ver Guong”, qui exige une
parfaite maîtrise technique et une flexibilité extrême du corps, lequel est
entièrement mobilisé pour des ondulations allant de la pointe des pieds jusqu’à
la tête, les parties les plus présentes étant les bras, les jambes et le
ventre. Et pour cause: les Khmu, qui sont réputés pour leur labeur, ont
introduit les gestes de leur travail quotidien dans leur danse. On y trouve
ainsi des gestes reproduisant une séance de moisson, de désherbage ou encore de
pêche de crevettes. “Les Khmu se mettent à
danser la “Vieng Ver Guong” à l’occasion des fêtes, ou pour célébrer une bonne
récolte par exemple. Mais tous les mouvements ne font que reproduire les
activités de la vie quotidienne. On peut ainsi voir un danseur faire comme s’il
était en train de recouvrir le toit de sa maison ou de battre la terre au
champ. C’est là la grande originalité de cette danse folklorique.”, a
ajouté Minh Chau.
Dès que
retentissent les sons de gong et de tambour, la danse “Vieng Ver Guong”
commence. Les danseurs et les danseuses qui se confondaient jusqu’alors avec la
foule en sortent. Les hommes portent un “khoong khan” qui sert à la fois
d’instrument de musique et d’accessoire de danse. Les femmes en tenues
traditionnelles gambadent dans une sorte de danse du ventre qui hypnotise tous
les regards. Danseurs et danseuses font tout pour valoriser leur beauté et leur
finesse, sans se soumettre à aucune restriction de mouvement. Et c’est comme ça
qu’ils finissent par se confondre, à nouveau, dans le public. Voilà une autre
originalité de la “Vieng Ver Guong” dont s’enorgueillissent tous les Khmu
dignes de ce nom. Luong Thi Nên en fait partie. “La “Vieng Ver Guong” des Khmu existe depuis la nuit des temps. Elle
traduit la compassion entre les humains, entre eux et la nature. Et en général,
toutes les figures de danse de notre ethnie sont étroitement liées au culte de
la récolte et à notre aspiration à l’amour.”, dit elle.
Et Minh Châu,
la responsable de la culture de la province de Dien Bien, de renchérir: “A travers la danse, les Khmu veulent s’attirer une
bonne santé, une bonne récolte et un climat clément. Mais cette danse traduit
aussi leurs efforts pour surmonter tous les obstacles, pour survivre et
s’épanouir.”
Un petit bémol:
la difficulté de la danse et le vieillissement de ceux qui la maîtrisent
exposent ce patrimoine culturel à un risque de disparition. Heureusement, les 3
hameaux qui comptent le plus de Khmu de la province de Dien Bien ont formé
ensemble une troupe folklorique qui participe souvent à des échanges avec
d’autres ethnies de la commune. Et puis, elle donne aussi ses propres
représentations nocturnes qui intéressent de plus en plus de jeunes. De quoi
redonner de l’optimisme à tous ces Khmu qui tiennent à léguer le patrimoine
ancestral aux générations futures!