Situé dans la commune de Thai Dào, district de Lang
Giang, province de Bac Giang (Nord), Then, un village typique du delta du
fleuve Rouge, résonnent souvent de mélodies savantes jouées par des
agriculteurs violonistes.
Nous sommes arrivés au village de Then alors que les
violonistes du village s’entraînaient pour une fête. De leurs mains calleuses
sortaient des sons veloutés.
Mais comment cet instrument de musique contemporain a-t-il bien pu pénétrer en
ces terres agricoles. Nous avons rencontré Nguyên Quang Khoa, le chef d’orchestre
du village. Ce dernier confie que c’est le septuagénaire Nguyên Huu Dua qui a
transmis et transmet encore de nos jours sa passion du violon aux élèves de
tous âges. Selon M. Khoa, c’est au sein du groupe d’activité artistique
amateur, créé en 1957 ou 1958, que bon nombre de gens ont appris à jouer. Avec
les hauts et les bas de l’histoire nationale, ce groupe a été dissous, puis
recréé en 1973. Début 1974, un premier groupe de 13 personnes de 13 à 16 ans
ont appris cet instrument aux côtés de M. Dua. À partir de là, les autres
habitants du village ont commencé à emmener leurs enfants chez M. Dua. À
l’époque, le petit Khoa était l’un de ses premiers élèves. Vers 1977-1978, les
13 personnes de ce groupe d’activité artistique amateur du village sont partis
au front, puis en sont revenus sain et sauf. Ils continuent à jouer du violon.
«Le fait que l’orchestre du village est invité à se produire en plusieurs
lieux nourrit la passion de ses membres comme des habitants du village»,
remarque M. Khoa. À bon vin point d’enseigne, l’orchestre du village de Then
est renommé non seulement dans le pays mais aussi parmi les Viêt kiêu
(Vietnamiens d’outre-mer) et les étrangers. Nombre de touristes français,
allemands, sud-coréens, russes... se sont rendus dans ce village et ont été
enthousiasmés par les représentations de ces «artistes pieds nus». Une surprise
pour eux car, là, des centaines de villageois sont capables de jouer un
instrument savant comme le violon. «Tout vient de la passion. Le violon est
devenu un ami proche comme une caractéristique de ce village de Then»,
affirme fièrement M. Khoa.
Être un garçon de Then, c’est savoir jouer du violon
Les habitants de Then ont une passion commune pour le violon. Chaque jour,
après les travaux des champs et autres travaux quotidiens dans leur élevage de
porcs et de poulets, ou d’artisanat..., ils profitent de leurs temps libres
pour jouer du violon. D’où depuis longtemps ce surnom de Then : le «village des
violonistes». D’après Nguyên Quang Khoa, l'orchestre de violon du village, a
été créé il y a plus d’une moitié de siècle. «J’en suis le troisième chef»
précise-t-il, après avoir fini d’interpréter In a persian market (Dans le
marché persan). Les plus âgés enseignent aux plus jeunes pour perpétuer cette
tradition. Pour le moment, l’orchestre comprend 11 membres de 47 à 50 ans, tous
des hommes. Ils sont aussi de vrais agriculteurs. Après le travail, «nous
nous réunissons pour nous entraîner au violon afin de nous produire lors des
fêtes de village, à Then ou ailleurs», raconte un paysan violoniste.
Un village spécial
Hà Van Thuc, chef du hameau de Then, fait savoir que le village compte quelque
400 foyers comptant plus d’une centaine de personnes âgées sachant jouer du
violon. Pour l’«artiste» Nguyên Quang Khoa, jouer du violon et perpétuer
l’orchestre de ces agriculteurs, c’est aussi perpétuer la passion des personnes
âgées qui ont eu le mérite d’introduire le violon dans ce village. Une profonde
passion pour M. Khoa qui explique que «s’il y a un jour où je ne prends pas
l’archet, je sens qu’il manque quelque chose. Il y a des jours où à peine
revenu des champs, je prends immédiatement mon violon pour jouer quelques
morceaux, et toute la fatigue s’envole immédiatement».
Pour beaucoup de gens, le violon et la musique de chambre sont perçus comme
quelque chose de sérieux, réservés à une élite, ou évoque une ambiance feutrée
et distinguée, des mélodies savantes jouées devant des connaisseurs... Ce n’est
qu’une image, les habitants du village de Then demeurant amicaux et proches. «Au
petit matin, le midi, le soir, même pendant les pauses que concèdent parfois
les durs travaux des champs, nous nous rassemblons, accroupis, au pied d’un
arbre, dans la cour de la maison commune ou sur les pentes de la digue, pour
jouer du violon ou nous enseigner mutuellement les techniques ou de nouveaux
airs», explique M. Khoa avec le sourire.
À maintes reprises, cet orchestre a gagné des prix lors de concours amateurs.
En 2005, il s’est produit dans le district de Nam Dàn, province de Nghê An,
pays natal du Président Hô Chi Minh. Autre souvenir inoubliable, les
représentations pour le IVe Congrès du Parti communiste du Vietnam
sur la place Ba Dinh, à Hanoi, se souvient M. Khoa. Visage bronzé, cheveux
poivre et sel et mains calleuses, cet homme place son violon sous la joue pour
exécuter l’air traditionnel Bèo dat mây trôi. La musique envoûtante
berce nos oreilles. À côté des chansons folkloriques, d’autres oeuvres comme L’ombre
de l’arbre Konia, Tambourin oblong, Le Danube bleu sont des
oeuvres régulièrement interprétées, fait remarquer Khoa.
Nous avons quitté le village de Then au crépuscule. Le long de la digue menant
au village s’échappaient de temps en temps une mélodie de notoriété mondiale ou
le refrain d’une chanson étrangère jouées par des agriculteurs violonistes.
Nous les admirons car ils ont une vie spirituelle très riche qu’en outre ils
partagent complètement. La musique leur permet d’atténuer les tracas de la vie
quotidienne.