Qui dit coq de combat, dit Thô Hà, un village au bord de la rivière Câu, district de Viêt Yên, province de Bac Giang (Nord). C’est de là que, paraît-il, viennent les gallinacés les plus combatifs du pays.
Le village de Thô Hà, une matinée de printemps. L’animation règne dans un terrain à l’entrée du village. Une grande foule s’excite autour de deux gros coqs qui se volent dans les plumes. Un combat spectaculaire qui fait la fierté des villageois.
À Thô Hà, les habitants rappellent avec fierté l’histoire de l’invincible coq de race Mây du vieux Lac, dans les années 1960. Bien que blessé aux yeux lors d’un combat, ce coq continuait de vaincre tous ses challengers lors des combats organisés dans la localité, l’emportant sur eux autant par sa vitesse que par son endurance. Une décennie plus tard, est apparu un second coq Mây aussi légendaire, entraîné par Xuân Viêt, un des fils de M. Lac.
Ce coq, appelé «Mo Bom», a fait ses preuves en mettant en échec, tour à tour, sept adversaires lors d’un seul combat, sans souffrir d’aucune blessure. Sa stratégie était de porter des coups d’ergot à la tête et aux yeux. Pendant longtemps, la renommée de «Mo Bom» a retentit bien au-delà des limites de la province de Bac Giang, faisant peur à nombre de coqueleux des provinces environnantes comme Lang Son, Quang Ninh, Hai Phong, Hanoi…
Les coqs de combat de race Mây ont une apparence caractéristique : corps de paon, crête de cormoran, rémige vertes, longues pattes...
Une pépinière de champions
Les éleveurs de Thô Hà respectent strictement les techniques transmises de génération en génération. «C’est tout un art», selon Xuân Viêt. Cela débute par le choix d’un mâle combattif pour un croissement avec une femelle aussi de race Mây, puis la sélection des poussins. Ensuite il y a l’entraînement, le régime alimentaire, les soins... Les jeunes sélectionnés bénéficient d’un régime à base de paddy, de viande de chien ou de bœuf, de coquillages et de ... safran. «Si le paddy, la viande et les coquillages leur donnent un corps solide, le safran les aide à conserver leur poids de forme. De plus, il a des vertus cicatrisante», explique le coqueleux expérimenté.
Pour lui, d’ordinaire, les jeunes coqs de combat commencent l’entraînement à 6 mois (chacun pèse alors 600 - 700 grammes). Un processus long et difficile comprenant aussi bien des exercices que des «trucs de métier». «Des périodes différentes se succèdent. L’objectif final est de développer leur ténacité au combat, leur capacité à résister à la douleur et leur volonté de battre l’adversaire».
Comme de vrais sportifs, les coqs ont même droit à des massages pour raffermir la peau et tonifier les muscles, trois fois par jour, avec une lotion à base de safran, de feuilles de bambou et de thé vert. Vient ensuite la période d’exercices de musculation et d’entraînement au combat. Les premiers combats, dits «combats de préparation» se font quotidiennement, durant 120 minutes chacun, pendant quinze jours.
Un business très lucratif
Les coqs ont alors le bec clôt et les ergots encapuchonnés. Le but est de savoir si l’animal est assez doué pour embrasser une carrière de combattant. Ce premier round d’essais est suivi par un second où les combats se font avec les ergots libres. L’épreuve de courage à travers laquelle l’animal améliore sa technique de combat et sa gestion de l’effort.
Les coqs de combat ne deviennent des «pros» que lorsqu’ils ont passé les éliminatoires au niveau du village. Leur poids idéal est alors de 2,5 à 3 kg.
Depuis toujours, les coqs de combat de Thô Hà sont considérés comme les plus précieux du pays. Nombre de connaisseurs et d’amateurs viennent à Thô Hà pour voir de leurs propres yeux les combats, tenus régulièrement dans le village, voire pour acheter des champions. Mais attention, un Mây de Thô Hà n’est pas accessible à toutes les bourses. Si un jeune de l’élevage de Xuân Viêt se vend 10 millions de dôngs, un coq qui a déjà fait ses preuves dans le gallodrome se négocie jusqu’à 25-30 millions de dôngs (plus de 1.000 dollars).
Le record revient à un Mây de M. Hoan, pour lequel un Hanoïen a déboursé 3.500 dollars après un combat acharné où son coq a essuyé une défaite cinglante face ce Mây local.
À Thô Hà, l’élevage des coqs de combat a fait la «fortune» de beaucoup de familles. Parmi les clients figurent même des étrangers venus de Chine, du Laos et du Cambodge.
Le combat de coqs est le passe-temps favori des gens de Thô Hà, et aucune fête traditionnelle ne se déroule sans ces joutes. D’aucuns considèrent que ce «jeu», cruel pour certaines âmes sensibles, reflète et satisfait l’esprit martial des Vietnamiens. Dans ce terroir de coqueleux, une fête des combats de coqs se tient annuellement, accueillant des combattants et visiteurs venus de tout le Nord. À ne pas manquer, pour l’ambiance autour des gallodromes surtout!