Reconnu en 2005 patrimoine national, l’ancien village de Cu Dà (en banlieue de Hanoi) a su préserver l’architecture typique du Nord. Sous les vieilles tuiles moussues, deux métiers traditionnels s’y perpétuent. Visite guidée.
Niché à 20 km à l’est de la capitale, dans le district suburbain de Thanh Oai, le village de Cu Dà recèle un patrimoine bâti ancien exceptionnel : portiques d’entrée, pagode, temple et, surtout, maisons. Ces dernières arborent deux styles : l’un d’architecture traditionnelle du Vietnam du Nord, et l’autre d’influence coloniale.
Situé sur les rives paisibles de la rivière Nhuê, le village de Cu Dà a, selon les annales historiques, plus de 2.000 ans. C’était dans le passé un lieu de commerce très animé. Son âge d’or, il l’a connu entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe. Les villageois partaient alors aux quatre coins du pays pour faire du commerce. Nombre d’entre eux, fortune faite, revenaient au village pour bâtir des maisons cossues, dont certaines sont encore debout.
Le village a gardé son ancien portique d’entrée, où trône une horloge qui affiche toujours l’heure. Toutes les ruelles menant aux hameaux ont leur propre portique d’entrée, voûté comme il se doit. «Autrefois, comme le commerce prospérait, des gens de partout, parfois des voleurs, venaient ici. Afin de contrôler le passage, des portiques d’entrée ont été érigés dans chaque hameau. Vous noterez aussi que toutes les rues sont pavées de briques, ce qui est bien rare de nos jours, et bien plus élégant que le bitume ou le béton», informe une villageoise âgée.
Un village préservé dans son jus
À Cu Dà, maisons de plain-pied et de style français à deux étages cohabitent en harmonie. La plupart des anciennes bâtisses, de trois ou cinq travées, sont en bois. Leurs toits aux extrémités recourbées leur donnent une élégance certaine. Celle de Trinh Thê Sung fait la fierté de son propriétaire, qui ne l’échangerait pour rien au monde contre une maison moderne en béton de trois ou quatre étages. Vieille de plus de 130 ans, elle a abrité quatre générations de la famille. En dépit des vicissitudes de l’histoire, elle a conservé quasiment intact son architecte originelle. Un patrimoine familial que Trinh Thê Sung est bien décidé à conserver en l’état.
Outre les anciennes maisons, les villageois de Cu Dà sont fiers aussi de leur pagode et de leur temple, tous deux classés au titre de Patrimoine national. Aussi connue sous le nom de Linh Minh cô tu, la pagode abrite une ancienne stèle, de grande valeur. Les villageois ne connaissant pas exactement la date de construction de cette pagode. Ce qu’ils savent, c’est qu’en 1695, elle a été restaurée pour la première fois et, en 1879, pour la deuxième fois. Un patrimoine au moins tricentenaire, donc. En l’an 2000, elle a été classée patrimoine national. Un autre lieu qui mérite le détour est l’esplanade Dàn Xa Tac. Bâtie en pierre au début du XXe siècle, elle accueillait autrefois la cérémonie annuelle du culte du Ciel, où l’on sollicitait le soutien des forces occultes pour des conditions météorologiques propices aux bonnes récoltes.
Les visiteurs tomberont aussi certainement sur deux curieuses colonnes en pierre surmontées de crapauds, coincées entre des maisons. Sachez qu’autrefois, ces colonnes trônaient au bord de la rivière et avaient comme fonction de guider les bateaux la nuit. À cet effet, des lanternes étaient déposées sur la tête des batraciens.
Deux métiers traditionnels
À côté de son riche patrimoine bâti, Cu Dà est aussi connu pour ses miên dong, vermicelles de canna (Canna edulis) et sa sauce de soja. Les nouilles, faites à partir du tubercule du canna, se reconnaissent à leur couleur jaune ou blanche, et à leur parfum. Des vermicelles fines, qui ne deviennent pas pâteuses même si on les chauffe un peu trop longtemps. Canna edulis appartient à une famille proche des bananiers (les Cannacés). Elle est cultivée en Europe comme plante décorative (ses grandes fleurs rouges sont très belles), sous le nom de balisier.
Chaque jour, Cu Dà sort de 15 à 20 tonnes de vermicelles empaquetées, vendues dans l’ensemble du pays et même exportées (notamment pour les Vietnamiens d’outre-mer).
La sauce de soja, quant à elle, est délicatement sucrée. Son parfum la distingue de la sauce de soja Bân de la province de Hung Yên (Nord), qui est elle légèrement acidulée. Faite de riz gluant à quoi l’on ajoute des graines de soja bien mûres, cette sauce est indispensable pour certains plats, notamment les liserons d’eau cuits à l’eau.
Situé à 20 km seulement de la capitale, ce village peut se visiter à moto le temps d’une excursion d’une demi-journée. Laissez votre deux-roues dans une maison à l’entrée et partez à la découverte des lieux à pied. Dépaysement garanti !