Avec le banian séculaire, l’embarcadère, la maison communale, la porte villageoise est une image typique des villages traditionnels du Nord. Construite à l'entrée de chaque village, la porte le délimite des autres et manifeste sa puissance.
Les portes villageoises font partie des villages traditionnels du delta du fleuve Rouge. Dans l’ancienne cité impériale de Thang Long, elles ont un aspect imposant grâce aux fonds collectés par les familles fortunées.
Construite en brique, la porte de village comporte trois entrées - l’entrée principale et deux plus petites de part et d’autres. Dans les villages plus riches, elle a deux niveaux, est dotée d'un belvédère orné de phénix et licornes stylisées, et couverte de tuiles yin et yang.
Souvent, chaque village possède deux portes : l’une de devant et l’autre de derrière. La première porte, la principale, est orientée au Sud-Est, là où le soleil se lève et où les vents sont favorables. Elle accueille les bonnes choses, bénédictions et bonheurs.
Quant à la porte de derrière, elle se tourne vers l'Ouest où se couche le soleil. Réservée aux convois funèbres, elle est la porte de séparation - entre le monde des vivants et celui des morts.
À Hanoi, dans le sillage d'une urbanisation galopante, la physionomie des villages traditionnels a beaucoup changé. Mais nombre de portes villageoises restent encore dans la force de l’âge, sous l’ombrage protecteur des banians séculaires.
Il suffit de se rendre au village de Trung Nha, dans le quartier de Nghia Dô, arrondissement de Câu Giây, pour se faire une idée de l’une des plus vieilles portes de Hanoi.
La porte du village de Trung Nha est signalée de loin par un banian qui est aujourd’hui l’un des plus vieux du centre-ville de Hanoi. Cela prouve que ce village et sa porte sont largement centenaires, a observé le hanoiologue Chu Huy.
Cette porte conserve sa forme originale, simple et sans artifice. Elle est surmontée de deux belvédères, l’une faisant office de poste de garde. De là, le veilleur du village surveillait les cultures vivrières et assurait la sécurité des villageois, a-t-il décrit.
La porte joue aussi un rôle important à la fois dans la vie matérielle et spirituelle des habitants. L’architecture et l’envergure des portes sont différentes les unes des autres. La richesse et la réputation d’un village décident de l'ampleur de ses portes. Quand les villageois réussissent à bâtir leur fortune, ils pensent souvent à investir dans la porte du village.
Dans le quartier de Buoi, arrondissement de Tây Hô, Hô Khâu a su préserver son patrimoine culturel d’un ancien village prospère près de l’ancienne citadelle impériale de Thang Long.
Ruelle 562, rue Thuy Khê, arrondissement de Tây Hô. Le village de Yên Thai est réputé pour sa papeterie. Les bonnes traditions familiales de ses habitants se sont transmises de génération en génération, ce qui a valu au village quatre lettres d’or "belles coutumes, bonnes mœurs", décernées par le roi Tu Duc.
En effet, la campagne de "belles coutumes, bonnes mœurs" a été initiée par le gouverneur Hoàng Trong Phu au début du XXe siècle. Mais cette stèle mentionne le règne du roi Tu Duc, au XIXe siècle. Ce village aurait été ainsi le premier à avoir obtenu le titre de "belles coutumes, bonnes mœurs", a estimé le chercheur Chu Huy.
Ces quatre mots d’or sont vus à l’entrée du village. Ils inculquent ainsi la tradition que perpétuent les générations de villageois. Les motifs au côté droit de cette sentence parallèle signifient que le village a beaucoup d’hommes de talent hors pair, qui peuvent présider à la destinée pacifique de la nation. À gauche, les motifs disent que cette porte est tellement grande qu’un carrosse tiré par quatre chevaux peut circuler à son aise, a-t-il expliqué.
La porte du village Dông Ngac, dans le district de Tu Liêm, figure aussi parmi les plus vieilles à Hanoi. Lieu de rencontres et d’échanges culturels, elle est un témoin du mode de vie des villageois.
À l'heure actuelle, les anciennes portes des villages de Hanoi sont peu à peu remplacées par des portes en fer ou en béton. Mais ici et là s’entrevoient encore d’anciennes portes villageoises. Simples et placides dans le tumulte des rues de Hanoi, elles se dressent là comme autant de témoins de l’histoire du pays.