La coutume de brûler les baguettes d’encens est internement lié à la vie spirituelle des Vietnamiens. Beaucoup de localités pratiquent le métier mais le lieu considéré comme le berceau est le village de Dôc La dans la province de Hung Yên.
Une senteur suave et fine flotte dans l’air dès l’entrée du village. Sur des paniers plats, les baguettes en bambou teintées de rouge sèchent au soleil, semblables à des fleurs aux mille pétales éclatants. Les planches où sèche l’encens sont disposées partout, dans la cour des maisons, sur les sentiers du village. Le jaune de l’encens et le rouge des bâtonnets composent un étonnant tableau nature.
La fabrication des bâtonnets d’encens ne demande pas de grands efforts et comprend plusieurs opérations. Seul le mélange des aromates nécessite des bras vigoureux. Le séchage de l’encens est dévolu aux femmes tandis que l’empaquetage est réservé aux personnes âgées et aux enfants. Selon le vétéran Nguyên Van Cac : « Ce métier existe à Dôc La depuis des siècles. Son ancêtre est une jeune fille du nom patronymique Mai, originaire du même village. Celle-ci s’est mariée avec un garçon dans une localité lointaine. Un jour, de retour dans son village natal, affligée devant l’indigence de ses covillageois, elle les initie aux procédés de fabrication de l’encens. Depuis, Dôc La prospère et le métier se transmet de père en fils ».
L’encens est obtenu à partir de substances végétales odoriférantes, lesquelles sont réduites en poudre et mélangées selon une proportion déterminée. Les secrets de cette opération sont jalousement gardés par chaque famille car ils décident de la fragrance et de la durabilité de l’encens. Dôc La se spécialise dans la fabrication des bâtonnets d’encens qui sont les plus usités. Il s’agit d’une baguette en bambou d’une longueur de 30 à 40 centimètres teintée de rouge, de 2 à 3 millimètres de diamètre, laquelle est ensuite enduite aux trois-quarts d’une couche d’encens de couleur jaune ou noire, et qui brûle de 20 à 30 minutes. Dôc La sèche les bâtonnets d’encens au soleil pour garder leur teinte et leur parfum. Tout en retournant les bâtonnets étalés sur les planches, Ha Thi Huê explique : «Quand le temps est ensoleillé, ça sèche en un ou deux jours ; si le ciel est couvert, ça prend plus longtemps ; et s’il pleut subitement, Dieu sait quand ça sèchera! C’est pourquoi, nous devons nous baser sur les prévisions météorologiques pour nous mettre au travail. Ailleurs, on sèche les bâtonnets au feu, ce qui atténue leur parfum et les rend ternes. « En effet, le métier exige du fabricant un travail patient et minutieux dans le choix des aromates comme dans la préparation de l’encens. En outre, il a des rapports avec la pratique du culte, de sorte que le fabricant doit être une personne honnête pour ne pas le profaner. Pour avoir répondu à toutes ces exigences, Dôc La jouit d’un grand prestige auprès de ses clients.
Devant la demande croissante, plusieurs familles à Dôc La ont investi d’importantes sommes pour mécaniser le travail. Plusieurs s’enrichissent et ont pignon sur rue. Avalant une gorgée de thé fumant, M. Hoàng Van Phi dit d’un air satisfait : «C’est vrai qu’on ne chôme pas chez nous, surtout en fin et début d’année où sont célébrées les cérémonies cultuelles et les fêtes villageoises ».