Patrimoine mondial, les ví et giặm résonnent au Centre
Mettre à jour: 22 Décembre 2014
Les airs ví et giặm, formes de chants populaires appartenant aux habitants des provinces de Nghê An et Hà Tinh (Centre), viennent d’être inscrits sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Les chants populaires ví et giặm jouent un rôle important dans les mœurs et coutumes des habitants des provinces de Nghê An et Hà Tinh. Ils reflètent, en quelque sorte, l’âme des habitants. La richesse littéraire et poétique de ces airs interprétés ensemble réside dans l’emploi fréquent de figures stylistiques que sont l’allusion littéraire, la comparaison, la métaphore, le parallélisme, l’antithèse, l’hyperbole, l’inversion, la répétition et la métonymie.

Appartenant à la littérature populaire et orale, les ví et giặm portent la marque d’un art concret, très liés aux couleurs et saveurs de la vie quotidienne de la campagne. Ces chants traduisent la vision du monde des paysans : insoumission devant les caprices de la nature, joie et passion de vivre, confiance en soi, amour du terroir et de la Patrie, haute estime de l’amour conjugal, etc.

Les airs ví et giặm - considérés comme le langage musical des habitants vivant dans les deux provinces en question - apporte au trésor de la musique vietnamienne un genre de chants folkloriques à part entière. Ils contribuent à enrichir la musique populaire vietnamienne et constituent une source d’inspiration pour bon nombre de compositeurs vietnamiens. J’ai étudié plusieurs années ces airs et je pense qu’aujourd’hui, la question de la préservation des ví et giặm ne se pose pas, étant donné qu’ils sont souvent chantés dans la vie quotidienne des habitants locaux. Et la récente reconnaissance par l’UNESCO ne fera que renforcer leur vitalité.

Aujourd’hui, les ví et giặm restent profondément ancrés dans la vie communautaire. Si, à l’origine, ces airs étaient l’apanage des groupes d’agriculteurs, de tisserands ou d’éleveurs, ils se sont au fil du temps largement diffusés, pour être joués dans l’ensemble de communauté rurale. Pour étayer mes propos, trois points.

Premièrement, ces airs sont bien étudiés et préservés tant sur le plan de la musique que des paroles. Deuxièmement, les ví et giặm comptent de bons chanteurs, jeunes et moins jeunes. Troisièmement, l’espace culturel pour interpréter les ví et giặm ne souffre d’aucune restriction : ils peuvent être chantés librement, lors des fêtes, des mariages, dans les champs, etc.

Le succès des spectacles populaires en plein air ont abouti à leur introduction sur scène. À Nghê An et Hà Tinh, il est intéressant de constater la cohabitation de deux sortes de représentations de ví et giặm : celles quotidiennes entre les habitants locaux et les spectacles de théâtre. Les deux se complètent pour enrichir la vie culturelle des habitants locaux. Je ne vois aucune raison de s’inquiéter de la pérennité de l’une ou de l’autre.

Comme vous le savez, ces airs ont été introduits sur scène il y a une dizaine d’années. En aucun cas, ces représentations portent préjudice aux spectacles populaires. Les autorités ont aussi un rôle à jouer, en incitant les habitants à chanter dans toutes les activités communautaires. Aujourd’hui, lors des fêtes, nous avons tendance à oublier les arts populaires et traditionnels. Or, dans un programme musical, une représentation de ví et giặm peut très bien cohabiter avec un concert de musique moderne sans choquer le public.

Comme pour toutes les sortes d’art traditionnel, les artistes chevronnés sont pour la plupart des personnes âgées. Sauf que dans le cas présent, ces artistes transmettent de manière complète cette richesse aux générations suivantes. Je veux souligner aussi la nécessité de donner aux artistes âgés toutes les clés pour ouvrir des cours de formation professionnels, en d’autres termes, rémunérés. Ce serait là une vraie forme de reconnaissance de leur talent.

Les ví et giặm sont des chansonnettes alternées entre garçons et filles. Un groupe se compose de deux, trois ou de cinq, six personnes du même sexe. Le chef est celui qui improvise, donne la réplique. Ce groupe en rencontre un autre formé par des personnes de la gent opposée.

En guise d’introduction, un homme se met à chanter quelques phrases quasi insignifiantes ou gaies, jusqu’à l’instant où, venant de l’autre groupe, s’élève la voix d’une femme, marquant le début de ce qui est une véritable joute chantée.

Les deux groupes s’assoient face à face à une dizaine de mètres de distance environ, de préférence à l’ombre de quelques arbres. L’auditoire se masse tout autour.

Avant d’aborder les questions de sentiment, d’amour, les participants des deux côtés s’interrogent sur leurs noms et curriculum vitae, formulent des devinettes, se lancent des défis, s’invitent à mâcher du bétel et à fumer du tabac. Quand enfin l’amour éclate au grand jour, garçons et filles s’étendent longuement sur les sujets plus confidentiels.
 

AVI