L'histoire du commerce des livres anciens au Vietnam remonte vers 1930,
d'après un article du journal Khuyên hoc (Encouragement aux études),
paru à Hanoi en 1935.
Une histoire assez récente ! D'ailleurs, la langue
nationale, le vietnamien, est apparue assez tard et la technique d'impression
se développait lentement. Cette réalité explique le fait qu'au Vietnam, il
n'existe pas de livres pluri-centenaires. Les livres imprimés autour du début
du XXe siècle font office d'ouvrages "très anciens".
Autre détail important, c'est que plusieurs facteurs historiques et les
conditions climatiques difficiles rendent "précieux" des livres
publiés finalement assez récemment. À savoir ceux qui sont sortis à Hanoi entre
1945 et 1954, ou qui ont été publiés dans le Sud entre 1945 et 1975.
Et dans ce pays, plusieurs raisons rendent difficile la conservation des
ouvrages. Le pays avait traversé de longues guerres contre les forces
étrangères. Les habitants étaient contraints de beaucoup se déplacer. Les
conditions climatiques, l'humidité surtout, ne favorise la conservation des
livres…
Les livres, magazines anciens, reflètent un monde qui semble déjà loin. Mais il
y a tant de choses à découvrir en les feuilletant ! Les bibliophiles
aujourd'hui se rappellent toujours de leurs illustres prédécesseurs et de leurs
trésors inédits, à l'image de ceux du professeur et archéologue Nghiêm Thâm
(1920-1982), du poète Pham Tât Dac (1909-1935), du mathématicien Nguyên Van
Hai, du lettré et collectionneur d'antiquité Vuong Hông Sên (1902-1996), et
bien d'autres encore... Précisément, la collection du professeur Nghiêm Thâm
comprenait environ 5.000 ouvrages anthropologiques traitant des différentes
langues, celle du mathématicien Nguyên Van Hai en contenait 6.000 spécialisés
dans ce domaine.
Il n'y a pas si longtemps, les bibliophiles réputés ne se concentraient pas
seulement dans les grandes villes, Hanoi et Sài Gon (ancien nom de Hô Chi
Minh-Ville), puisque beaucoup de grandes collections étaient recensées dans
plusieurs provinces du Centre, du Sud, mais aussi à l'étranger. À savoir, les
collections du bibliophile Nguyên Duy Cân à My Tho, de Nguyên An Ninh à Cu Chi
(en banlieue de Sài Gon), de Nguyên Van Hâu à Long Xuyên, de Phan Van Hum à
Binh Duong, de Phan Van Dât à Huê, de Cao Xuân Duc à Nghê An, de Dào Duy Anh à
Huê, de Hoàng Xuân Han en France et de Lê Thành Khôi, en France également...
"Nombre de ces précieuses collections sont malheureusement divisées et
éparpillées", constate Cao Viêt Dung, bibliophile hanoien de la
génération 8X (né pendant les années 1980). "Les grandes collections ne
sont pas bien conservées à cause de différentes raisons, dites
inéluctables", estime le collectionneur Hoàng Minh. Certains
collectionneurs n'ont pas d'héritiers, d'autres sont tombés malades ou ont fait
faillite... Il y a aussi des bibliophiles qui sont partis vivre à l'étranger et
qui n'ont pas voulu ou pu emporter avec eux toutes leurs collections...
Maintenant, si nombre de collections sont divisées, éparpillées, c'est aussi
que leurs propriétaires, pour des raisons financières, n'ont pas pu conserver
ces trésors, contraints de se résoudre à les vendre. Et malheureusement, au
moment de s'en séparer, ils ne sont pas parvenus à trouver l'acquéreur capable
d'acheter une collection complète, devant vendre des ouvrages faisant partie
d'un ensemble au coup par coup... Selon le collectionneur et traducteur Cao
Viêt Dung, de nombreux collectionneurs nourrissent le rêve de réunir à nouveau
ces grandes collections. Ces derniers sont d'ailleurs prêts à dépenser des
sommes folles pour de tels trésors.
Le temps des vieux bibliophiles a évolué. Aujourd'hui, les amoureux des livres
sont assez jeunes. Nombre sont nés pendant les années 1970, 1980, voire 1990.
D'ailleurs, il y a aussi des jeunes qui viennent adhérer au monde des
bibliophiles alors que leur famille s'en désintéresse complètement. Ces jeunes
bibliophiles réunissent deux conditions nécessaires pour réaliser leur rêve :
richesse et passion. Il n'y a pas de miracles : sans moyens financiers, il est
impossible de se constituer une collection de qualité. Les livres anciens,
rares et précieux, il faut y mettre le prix pour qui veut les acquérir !
Le marché virtuel des bibliophiles
Il est difficile de se faire une idée exacte du nombre de jeunes amoureux des
livres, la plupart préférant garder cela pour eux. Le collectionneur hanoien
Cao Viêt Dung affirme qu'il y en a "beaucoup, car plus le niveau de vie
s'améliore, plus les gens et surtout les jeunes s'intéressent au
divertissement". D'après Vu Hà Tuê, bibliophile de la génération 8X à
Hô Chi Minh-Ville, il y a partout des bibliophiles remarquables, du Nord au
Sud. Ces jeunes bibliophiles sont audacieux, résolus et prompts lorsqu'il
s'agit de procéder à des échanges d'achat et de vente. Sans compter que tous
ont les moyens financiers qui vont avec.
La création des forums de collectionneurs, bibliophiles sur Internet dont
sachxua.net, et notamment la pêche aux informations, les correspondances sur la
Toile contribuent considérablement à faire des émules dans ce milieu, surtout
chez les jeunes, qui sont chaque jour plus nombreux à s'y intéresser. Grâce à
Internet, ces jeunes bibliophiles élargissent leurs relations et connaissances.
Cela a même abouti à la création d'un marché en ligne d'échange de livres
anciens, offrant à chacun la possibilité d'enrichir sa collection.
Aujourd'hui, les bouquineries ne sont plus le seul et unique lieu de
transaction pour les bibliophiles et collectionneurs. Le téléphone et Internet
sont devenus un formidable outil de connexion pour ces amateurs de livres.
Résultat : la majorité des bouquinistes ont déplacé leur boutique à leur propre
domicile pour ne plus payer un loyer. Concernant les bouquineries ayant
toujours pignon sur rue, on peut les répartir en deux groupes distincts. Le
premier est les bouquineries dites "simples", lesquelles récupèrent
les marchandises par l'intermédiaire de différentes sour-ces : brocanteurs,
particuliers ou hôtes passagers... Les livres rares et précieux sont
sélectionnés pour être revendues aux bouquineries dites "supérieures"
(le second groupe). Ces dernières, outre les achats et ventes courants, sont
prêtes à engager de grosses sommes dans l'achat de livres précieux, et
attendent ensuite le bon client pour les lui vendre à un prix élevé.