Au milieu des magasins de produits cosmétiques et
vêtements sur la rue Hàng Ngang, Hanoi, de nombreuses gens s’arrêtent au numéro
47. À cette adresse se trouve une boutique aux allures plutôt modeste,
sobrement éclairée.
À l’ère actuelle, celle de la photographie et du
numérique, peu de gens se souviennent d’une catégorie d’arts qui est né et a
atteint son apogée dans la seconde moitié du XXe siècle. Le
portraitiste Nguyên Bao Nguyên et son fils se passionnent à peindre à longueur
des journées. Leur passion pour ce métier s’explique par le fait que, non
seulement il leur permet de lier les deux bouts du mois, mais aussi et surtout,
parce que c’est un excellent moyen d’assouvir leur passion pour le dessin.
De bonnes heures, ces deux artistes se plongent dans
le chevalet. Deux hommes, un vieux et un jeune, vêtus simplement, à côté des
dizaines de portraits en blanc et noir, se démarquent dans une atmosphère
sereine. Malgré la maigre apparence de son visage et ses cheveux blancs, le
vieux Nguyên est d’un esprit vif et très intelligent, le tout, couronné par un
sourire spirituel.
Dans ce petit atelier, les visiteurs ont l'occasion
d’admirer les figures portraiturées, reflets des réalités différentes. Les yeux
perçants d’une jeune fille dans la haute région, les plis sur les visages des
femmes austères, deux joues rebondies d’un enfant... «Les personnes qui
conservent les traces de vie de l’homme», c’est ainsi que les habitants
dans la rue de Hàng Ngang appellent désormais ces deux dessinateurs.
À la vue des touches ingénieuses, des peintures
parfaites, de nombreuses gens tendent à croire que leur acteur a été formé par
une université des beaux-arts ou de la peinture. Grande est la surprise quand
l’on entend le vieux Nguyên parler de lui : «En 1960, lorsque j’étais un
étudiant au Département de la physique de l’Université de Hanoi, j’étais
maladif. C’est pourquoi ainsi que je n’avais pas pu poursuivre mes études à
l’université. Tristesse, ennui et déception m’avaient alors envahi. Je
m’enfermais chez moi. Un jour, en traversant la rue Hàng Dào, j’ai vu un
portraitiste. Tout de suite, j’ai été attiré par ses portraits. Autodidacte, il
s'amusait à reproduire chez lui les gestes et techniques vus la journée». Il
ajoute que quelques mois après, il a décidé de dessiner. Les premières œuvres
sont les portraits de ses parents, frères et sœurs. «Les gens aiment mes
portraits. Je suis très ravi et déterminé à poursuivre ce métier qui exige
surtout la patience et une grande habileté», poursuit-il.
Nguyên ne cache pas sa fierté d’avoir fait des portraits de la famille royale
de Thaïlande, les épouses des ambassadeurs américain, lao au Vietnam. Ses
peintures ont traversé les frontières, ayant été exposées aux États-Unis, en
Grande-Bretagne. En 2000, il a été honoré par l’exposition de 14 de ses œuvres
au Japon. «Mes portraits ont été expédiés dans de nombreux pays. Cela
m’encourage à demeurer dans ce métier», fait-t-il savoir.
Nguyên Bao Nguyên est devenu portraitiste en créant
lui-même ses outils comme un pinceau issu d'une baguette en bambou taillée pour
donner une tête pointue, ou encore un morceau de tissu ou de coton qui lui
servent à enlever les taches d'encre ou créer des effets foncés et clairs. Le
fusain se trouvait alors sur le noir de fumée d'un verre de lampe ou d'un
morceau de caoutchouc brûlé... Parmi ses trois fils, seul son fils Nguyên Bao
Lâm succède à ce métier. S’étant lancé dans ce métier depuis une dizaine
d’années, le portraitiste Lâm s’affirme de jour en jour par son savoir-faire,
son habileté. Sa passion pour ce métier est un feu qui réchauffe son père.