Les Kinhs, majoritaires au Vietnam, ne sont pas les
seuls à avoir leur musique traditionnelle basée sur un mode pentatonique. Les
Khmers, qui vivent essentiellement dans le Sud, pratiquent aussi ce mode,
qu’ils ont une façon particulière de mettre en valeur. Quelle est donc la
particularité de la musique pentatonique khmère, qui connaît encore une grande
vitalité de nos jours?
Selon Lý Phát, qui dirige un ensemble pentatonique
dans la province de Soc Trang, cette musique est omni-présente dans la vie de
son ethnie, encore plus aujourd’hui qu’auparavant, quand elle n’était
interprétée que lors des fêtes bouddhiques, et uniquement dans les pagodes.
“Aujourd’hui, la musique pentatonique est jouée à toutes les fêtes, que ce soit
le Ok Om Bok, la fête d’offrandes à la pagode ou le Nouvel An lunaire. C’est
une musique qu’on joue aussi bien quand on est joyeux que quand on est triste”,
fait savoir Ly Phat.
Cette musique est pratiquée tant par les hommes que
par les femmes, pourvu que l’on soit suffisamment patient pour l’apprendre.
Un ensemble pentatonique est composé d’instruments
classés en 5 catégories: bois, cuivre, fer, cuir et vent. Le tambour shampho
est constitué d’un fût très légèrement conique sur lequel sont tendues deux
morceaux de cuir de boeuf. La grande face donne des sons graves et la petite
des sons aigus. Le musicien frappe sur les deux faces pour donner les sons
souhaités. Deuxième et principal instrument: le Rônek qui est constitué de 26
lames en bois ou en bambou, de forme rectangulaire, qui sont assemblées en
clavier. Le musicien frappe sur ces lames à l’aide de 2 baguettes en bois.
Troisième instrument: le Chling qui ressemble un peu au gong des Kinhs.
Quatrième instrument: le Vkèn Sro Lay qui est un instrument à vent composé de
différents tubes en bois précieux. Le musicien le met en position verticale et
souffle dans une embouchure. Cinquième instrument indispensable: un ensemble de
petits gongs en cuivre assemblés sur un support en rotin, en forme de
demi-lune, rappelant évidemment le gamelan indonésien. Le musicien se met au
milieu de ce cercle, frappant sur les gongs à l’aide de 2 baguettes dont
l’extrêmité est garnie de cuir. L’ensemble pentatonique des Khmers peut
interpréter la musique traditionnelle mais aussi la musique moderne.
A l’occasion de la fête traditionnelle d’Ok Om Bok ou
du festival du riz de Soc Trang, la musique pentatonique des Khmers attire
toujours les foules. A noter que les musiciens ne sont pas des professionnels,
loin s’en faut. Ce sont tous des paysans aux mains calleuses! “Les deux grandes
traditions que nous autres Khmers avons pu préserver, ce sont la course de
pirogues et la musique pentatonique. Cette année, toutes les pagodes ont mis en
place leur propre troupe. Grâce aux investissements de l’Etat, nos conditions
d’existence se sont améliorées et nous avons donc décidé de nous associer avec
les pagodes pour créer des ensembles pentatoniques. Chaque pagode organise un
club ouvert à tous les jeunes. Les courts sont gratuits. Mais pour apprendre
cette musique, il faut l’aimer vraiment”, indique Nguyễn Uyển qui dirige un
ensemble pentatonique dans la ville de Soc Trang.
La musique pentatonique des Khmers est une musique
entièrement instrumentale qui accompagne parfaitement les danses folkloriques
de cette ethnie. Ces danses utilisent le langage des mains et des pieds rythmé
par les percussions. Une tradition que les Khmers tiennent à préserver, pour
enrichir la diversité de la culture vietnamienne.