Même sans instrument de musique, le spectacle donné par les habitants de Phu Nhiêu se déroule dans une synchronisation et une harmonie parfaites. A chaque chant correspond une danse, aucune improvisation n’est permise.

Une forme originale d’art chanté

Trouver la demeure de M. Luong Duc Nghi ne prend pas beaucoup de temps. Octogénaire, barbes et cheveux d’un blanc immaculé, rien ne l’écarte de son habitude quotidienne de lire et, surtout, de faire des recherches sur la danse chantée Bài Bông. Dans sa petite maison, la place d’honneur revient à un certificat de l’Association des Arts folkloriques du Vietnam reconnaissant en lui un « Artiste folklorique ». Une récompense honorifique pour celui qui a consacré toute sa vie à préserver cette forme d’art chanté original. Enfant de Phu Nhiêu, terre de rizières inondées, il s’est nourri de chants et de pas de danse et a grandi avec.

« Outre mes souvenirs, dit-il, je m’instruis auprès de mes aînés, ceux qui se trouvaient sur le devant de la scène à chaque fête à la maison communale du village. Je les interroge, demande des précisions sur une phrase ou un pas de danse. Le soir, je les note soigneusement et les classe… »

Ce travail de collecte, M. Luong Duc Nghi l’accomplit depuis 1954.Il est arrivé à réunir près de 200 chants. Son ambition était de mettre sur pied un club afin de pérenniser la danse chantée Bài Bông du village de Phu Nhiêu.

Selon les artistes locaux, cet art fortement rituel a fait son apparition il y a plus d’un siècle lors des festivités villageoises, soit pour célébrer un événement, soit pour des activités culturelles. Les chants louent les travaux des champs, l’amour du pays ou les sentiments amoureux… La musique est une sélection d’airs folkloriques, les figures chorégraphiques viennent aussi du folklore ou des danses de cour.

La danse chantée Bài Bông est un art chanté assez complexe, dont la difficulté d’exécution l’est aussi bien pour la danse que pour le chant. Et encore, chant et danse demandent-ils une synchronisation parfaite. Son apprentissage exige beaucoup de patience, et certaines personnes y passent toute leur vie. Elle se transmet de générations en générations et n’est accompagnée par aucun instrument de musique. Pourtant, chaque spectacle donné par les habitants de Phu Nhiêu se déroule dans une synchronisation et une harmonie parfaites. A chaque chant correspond une danse, aucune improvisation n’est permise.

Transmettre le flambeau

En 1997, le club de danse chantée Bài Bông du village de Phu Nhiêu a vu officiellement le jour grâce à l’aide financière d’une ONG américaine, le Centre des échanges éducatifs avec le Vietnam. Ce club fonctionne régulièrement depuis le jour où Mme Nguyen Thi Ga a accepté l’invitation de M. Luong Duc Nghi de transmettre son savoir aux membres. Malgré son grand âge, la dernière artiste de Bài Bông du village impressionne son auditoire tant par la limpidité de son chant que la souplesse de ses gestes. La passion et l’enthousiasme de M. Nghi et de Mme Ga attirent les gens du village. Les adhésions font boule de neige. Y compris les jeunes. « Notre Club compte une centaine de membres, de tous âges, se félicite M. Luong Duc Nghi. Certains appartiennent à une même famille mais sont de générations différentes ».

En tournée.
L’Association des Arts folkloriques du Vietnam a décerné le titre d’ « Artiste folklorique » à plusieurs membres du club. En 2007, le Club a remporté le prix A (prix d’excellence) du Festival national du folklore. L’année dernière, il a été invité au Festival des danses traditionnelles Thang Long - Ha Noi.