Le dinh, maison commune au Nord du Vietnam, est un bâtiment distinctif et particulier de la culture nationale. Cependant, les temps changent et le dinhest contraint à se transformer en un espace culturel afin de mettre tout le monde d’accord.
Maison communale Vinh Ninh, district Thanh Tri, Ha Noi
La maison commune au Nord du Vietnam, le dinh, a une histoire incomparable. Étant le lieu commun de chaque village, c’est dans le dinh que s’organisent plusieurs activités : les rites religieux, le lieu de culte, la salle de conférence pour les gouvernants, la foire, les séances de musique et de dance, et les classes pour les plus jeunes. Le théoricien culturel Nguyên Quân suppose que les villages sont le noyau de la vie en communauté au Vietnam, le dinh est par conséquent au centre de la communauté. De plus, ce dernier conserve les traits architecturaux typiques du Vietnam, qui le distinguent de tout autre monument culturel et historique du pays.
La tragédie des dinh au Vietnam
La vie moderne ne fait plus le même usage d’antan des espaces communautaires et multifonctionnels comme le dinh. Depuis quelques décennies, la majorité des dinhsont tombés en état de dégradation ou de désertion. Le fameux dinh Chu Quyên, patrimoine national au district de Ba Vi, à Hanoï, est le parfait exemple : il est à présent devenu un entrepôt pour la réparation du temple voisin. «Personne ne le visite depuis deux ans. Et maintenant il s’est transformé en entrepôt, c’est inacceptable", partage la Doctoresse Trang Thanh Hiên, de l’Université des beaux-arts de Hanoï. "Je ne suis pas satisfaite de la vision des entrepreneurs : vous réparez le temple, et à côté le patrimoine national est détérioré !», s’exclame-t-elle.
D’après Nguyên Duc Binh, fondateur du groupe Dinh làng Viêt, l’État n’investit que pour les fameux dinh qui pourraient maintenir des traits culturels, architecturaux, touristiques et historiques importants. «Beaucoup de gigantesques +dinh+ ne se servent qu’à l’occasion des fêtes traditionnelles. Honnêtement, il y a seulement les personnes âgées qui le fréquentent pour le culte, témoigne-t-il. Il y a des +dinh+, comme Tùng Anh dans la province de Hà Tinh qui est devenu un dépôt de bois, ou Hoàng Son dans la province de Nghê An qui était gravement dégradé et n’a pu garder que deux de ses statues bouddhiques», raconte-il.
Le professeur Ngô Duc Thinh, ancien directeur de l’École des recherches culturelles du Vietnam, avertit que les dinh vont perdre toutes leurs valeurs s’ils ne sont plus rattachés à la vie communautaire. Selon lui, organiser des événements culturels dans ledit lieu est le seul moyen réaliste pour sauver son existence.
L’appel des actions opportunes chez les administrations
En réalité, quelques dinh survivent grâce aux appuis des administrations. Les premières actions se sont mises en œuvre et reconnaissent un certain succès.
Dans la rue Hàng Dào, au milieu du Vieux quartier à Hanoï, le dinh Dông Lac vient d’être reconverti à l’ancienne. "Ce bâtiment consiste en un endroit patrimonial, qui était restauré en l'an 2000 par le Comité populaire municipal et la mairie de Toulouse", rappelle Trân Thùy Lan, directrice adjointe du Comité de pilotage du Vieux quartier de Hanoï. "Maintenant, il faut que nous exposions ses valeurs immatérielles à tout le monde", affirme-t-elle. Ainsi, le projet a bien commencé en janvier 2017 avec la présentation de la soie légendaire lanh my a par le fameux couturier Nguyên Công Tri. Lanh my a est une soie onéreuse de la province d'An Giang (Sud) qui est souple, étanche, rafraîchissant en été mais réchauffant en hiver. Sa technique de teinture est une spécialité régionale : la soie est plongée 10 fois dans un récipient rempli de latex de couleur noire, appelé mac leua. De plus, à l’intérieur de la grande salle du dinhDông Lac, la compagnie Tam Son, qui gère le lieu, et le Service municipal du tourisme exposent également les yêm (cache-sein en soie) depuis la dynastie de Lê (XVe-XVIe siècles), ainsi que des vernis de haute qualité de la compagnie Hanoia, certifiées par les professionnels français.
Avoisinant le dinh Dông Lac, le dinh Kim Hoàng organise indépendamment beaucoup d’activités culturelles intéressantes. Auparavant, le village Kim Hoàng disposait le métier des dessinateurs traditionnels du Têt, qui a disparu depuis maintenant quelques décennies. Mais avec les efforts de la collectrice Nguyên Thi Thu Hòa, les citoyens redonnent vie au métier, et les nouveaux dessins sont tous exposés à la grande salle du dinh. «Les visiteurs ne font pas encore la queue, mais ils sont visiblement innombrables», se contente Nguyên Sy Vuong, responsable du village et membre du conseil d’administration du dinh Kim Hoàng.