À Sa Pa, les sherpas en sandalettes du Fansipan
Mettre à jour: 24 Juillet 2012
Ils sont de Sa Pa, généralement d'ethnie H'Mông, de petit gabarit mais musclés. Avec leur hotte bien chargée et leurs sandales en plastique parfaites pour la pêche aux moules, ils accompagnent les touristes dans leur conquête du Fansipan, le toit de l'Indochine. Un métier apparu ces dernières années, qui demande de la résistance, des cuisses solides et aussi un certain dévouement.

Parmi les nombreuses possibilités de balade qu'offre Sa Pa, l'une des plus ambitieuses est de grimper le mont Fansipan, le point culminant de l'Indochine (3.143 m), qui domine de sa silhouette imposante la célèbre bourgade touristique. Un périple qui n'a rien d'une balade de santé et qui nécessite trois à quatre jours aller-retour. Impossible de le réaliser sans guide, tout simplement parce que le sentier est difficile à suivre. Le randonneur qui tenterait l'expérience seul se retrouverait régulièrement en face de cette situation : à droite ou à gauche ? La conquête de ce sommet a des allures de mini-expédition himalayenne "à l'ancienne". Les "sherpas" d'ethnie H'Mông se coltinent provisions, tentes, sacs de couchage, vêtements, imper-méables, réchaud... Leurs clients sont donc libérés d'un sacré fardeau, et ont tout loisir d'admirer le paysage.

 

Personne ne sait exactement depuis quand est né à Sa Pa, province de Lào Cai (Nord), ce métier de guide-porteur. Mais tout le monde reconnaît son rôle primordial pour la réussite de ce périple réalisé sur des sentiers très abrupts, qui n'ont rien de commun avec nos fameux GR (sentiers de Grande Randonnée balisés) européens.


Un métier d'appoint. Réunis en groupe de quatre ou cinq porteurs, nous accompagnons chaque semaine un ou deux groupes de touristes, vietnamiens ou étrangers", confie A Lu, 48 ans, d'ethnie H'Mông, guide-porteur depuis une dizaine d'années. Ce nouveau job a attiré pas mal de jeunes H'Mông. Ses deux frères, A Giành et A Cho, qui étaient auparavant porteurs comme lui, sont maintenant guides pour une compagnie touristique. "J'ai cinq enfants, et mes deux fils aînés pratiquent aussi ce métier, un boulot d'appoint", ajoute-t-il.


Il existe plusieurs possibilités pour ceux qui souhaitent "se faire" le Fansipan. Pour les puristes, départ de Cát Cát à 1.250 m d'altitude. Sacré dénivelé au menu (pas loin de 2.000 m !), donc attention à ne pas avoir les yeux plus gros que les mollets ! L'autre possibilité est de partir du col de Tram Tôn, à 1.900 m d'altitude. Dans les deux cas, un bivouac est prévu à 2.800 m d'altitude, avant l'assaut final.


La longue montée, le plus souvent "droit dans la pente" (ne comptez pas sur des sentiers sinueux épousant fidèlement les courbes de niveau comme dans les Alpes !), met le corps à rude épreuve. Mieux vaut avoir les jambes solides et être endurant. Si votre seul exercice physique régulier est d'aller promener Médor le soir, le mieux est de vous abstenir. Des touristes qui avaient pris l'affaire trop à la légère y ont laissé des plumes. "Un bel exploit que je n'aurait pas pu réaliser sans mon porteur, avoue un touriste américain. Vraiment, les porteurs méritent un sacré coup de chapeau". De petite taille et très endurants comme leurs homologues du Népal (les fameux sherpas, du nom d'un peuple montagnard, qui ont accompagné toutes les grandes conquêtes himalayennes), très jeunes (entre 14 et 20 ans), ils ont une bonne connaissance de la montagne, de ses sautes d'humeur, de ses pièges, de ses habitants à poils et à plumes... Chargés d'une hotte en bambou de 30 à 50 kg arrimés sur le dos avec des sangles de fortune qui cisaillent les épaules, ils avalent avec un visage impassible des pentes qui obligent parfois à s'aider des mains. Ils doivent souvent attendre des clients bien moins affûtés qu'eux mas, pourtant bien mieux chaussés et vêtus. "Pour être porteur, il faut être en bonne condition physique, courageux, fort mentalement, connaître les chemins et les reliefs très compliqués de la montagne", explique Vàng A Toai, le plus jeune du groupe. Il faut faire attention à chaque pas, car les pistes peuvent être très glissantes et il est facile d'être déséquilibré. Le danger guette là où l'attend le moins. "Se casser une jambe ou un bras font partie des risques du métier", confie-t-il, résigné.


Fardeau lourd, rémunération légère. En dépit d'un fardeau qui fait presque son poids, le porteur avance toujours d'un pas sûr, et soutient même ses compagnons. "Le fardeau paraît plus lourd encore lorsqu'on doit s'arrêter pour attendre un retardataire", explique A Lu. Selon lui, ce job est bien plus que celui d'un simple porteur. Il doit en effet accomplir bien d'autres services au service des clients, lors du bivouac du soir surtout : préparer le repas, planter la tente, soigner les petits bobos… À potron-minet, lorsque les clients sont encore bien au chaud dans leur sac de couchage, les porteurs vont chercher de l'eau, préparent le petit déjeuner qui n'a rien à envier à un banquet au restaurant : poulet cuit à l'eau ou grillé, bœuf sauté aux champignons, soupe de vermicelle, de pousses de bambou, salade de légumes…, sans oublier fruits frais en dessert.


"Notre responsabilité est lourde : amener les clients au sommet, assurer leur sécurité, de bons services en matière de repas, de boissons et de nuitée… Parfois, sur le chemin du retour, nous devons porter un client exténué ou blessé", explique A Lu. Son groupe de porteurs travaille pour une compagnie touristique de Sa Pa. En haute saison, on lui confie deux groupes par semaine, voire dix par mois.


Questionné sur la rémunération, le porteur pousse un long soupir qui en dit long : 200.000 dôngs (environ dix dollars) par jour pour un chef d'équipe comme lui, et 150.000 dôngs pour les autres. "Cela n'a pas changé depuis des années", déplore-t-il. Et d'ajouter d'un ton optimiste : "Notre joie est d'être en contact avec les clients. Les voir heureux à la fin du voyage, c'est aussi pour nous une récompense".


Il paraît que l'ascension du Fansipan attire de plus en plus d'adeptes. De nouvelles opportunités pour les jeunes H'Mông de Sa Pa, qui mériteraient vraiment de voir leur salaire revalorisé...


Située aux alentours de Sa Pa, la chaîne de Hoàng Liên Son, surnommée les "Alpes tonkinoises" par les Français, comprend le point culminant du pays - et même de toute l'Indochine -, le Fansipan (3.143 m). Sa cime, parfois enneigée l'hiver et fréquemment noyée dans le brouillard, domine Sa Pa. Le Fansipan est accessible toute l'année, et son ascension requiert une bonne forme physique et un équipement adéquat. Ne sous-estimez pas la difficulté et préparez-vous à affronter l'humidité et le froid ! La meilleur période s'étend de mi-octobre à mi-décembre, puis en mars. Les grimpeurs sont presque exclusivement des étrangers "Tây ba lô" (routards occidentaux), mais de plus de plus de jeunes "Viêt ba lô" tentent aussi l'aventure.


Accessible seulement à pied, le Fansipan se dresse à 9 km de Sa Pa. En dépit de cette proximité, le circuit aller-retour demande habituellement de deux à quatre jours - selon le point de départ et l'itinéraire. Après la première matinée, vous ne verrez plus de villages, uniquement des forêts, de magnifiques panoramas et peut-être des animaux sauvages si vous avez de la chance - car malheureusement, ici comme ailleurs au Vietnam, compte tenu du braconnage, la faune a tendance à "raser les murs".

 

On ne trouve aucun refuge sur le parcours ni balisage, et vous devez être autosuffisants. Pour des renseignements sur les guides, porteurs et l'équipement, adressez-vous aux agences de voyage de Sa Pa. Vous avez l'embarras du choix...

AVI