Aujourd’hui, avoir l’eau potable est un confort qui paraît bien «banal». Autrefois, elle se partageait bien souvent entre les habitants du hameau autour du puits.
Le village de Thuong Hôi de la commune de Tân Hôi, en banlieue de Hanoi, compte trois puits séculaires. Le plus ancien est Bâu Duc ou «puits du miroir magique». D'une superficie d’un sào (équivalent à 360 m²), il est profond d’environ trois mètres. Le puits Tron mesure environ 200 m². Le puits Chùa quant à lui (plus de 700 m²) est le plus beau. Il est situé devant la pagode de Thiên Linh et est devenu un site de pêche et de jeux d’échecs.
«Dans ma jeunesse, nous puisions l’eau du puits Chùa pour les activités quotidiennes. Il est considéré comme l’oeil du village. Nos pères ont minutieusement choisi sa position», explique le villageois Nguyên Dinh Tu, 80 ans. Selon lui, les enfants de Thuong Hôi réussissent aux examens et dans leur vie professionnelle grâce... à la bonne position des puits !
«Beaucoup d’autres lieux du village pourrons être reconvertis, mais nous sommes déterminés à préserver les anciens puits», assure-t-il.
Les villageois de Thuong Hôi sont fiers de leur tofu, un des plus célèbres labels de la capitale, fabriqué à partir de l’eau des puits.
Au village de l’île de Tam Hai (district de Nui Thành, province de Quang Nam) subsiste des puits bien plus vieux, presque millénaires assurent les anciens. Malgré la guerre qui a tout dévasté, ils sont miraculeusement encore fonctionnels et donnent une eau limpide. Un phénomène quasi surnaturel pour les habitants. Ces puits mesurent près de dix mètres de profondeur, avec un diamètre de deux mètres. À la saison sèche, ils alimentent plus de 8.000 habitants, qui utilisent notamment l’eau pour la fabrication d’un alcool de riz réputé.
Un puits de 200 ans à Quang Ngai
L’ancien puits de la famille de Trân Du (62 ans) dans la commune d’An Hai (district insulaire de Ly Son, province centrale de Quang Ngai) n’a rien de particulier par rapport à d’autres, si ce n’est son fond qui cache une galerie de plusieurs centaines de mètres carrés.
«Lorsque nous étions gamins, nous allions souvent ici parce qu’il y avait un verger rempli de fruits. Le puits nous attirait comme les guêpes sur le miel. Nous voulions l’explorer. Nous y avons finalement trouvé une galerie de grande dimension, capable d’abriter une centaine de personnes», fait savoir Phan Thanh Tâm, 61 ans. Selon le propriétaire, le puits aurait été creusé du temps de son arrière-grand-père. Il aurait donc 200 ans. D’après Pham Thi Tôn, mère de M. Du (84 ans), comme il n’avait pas de rebord, les animaux domestiques y tombaient fréquemment. Les membres de sa famille devaient souvent descendre au fond pour aller les récupérer.
Porteur d’eau à Hôi An
Chaque jour, de 04h00 à 05h00, une dizaine de porteurs d’eau s’activent autour de l’ancien puits Ba Lê (ancien quartier de Hôi An, province de Quang Nam). Les moyens de transport sont la moto et le triporteur.
«À Hôi An, de nombreux puits ont été creusés mais en raison de la pollution de l’eau, seul celui de Ba Lê est resté exploitable. Nous venons tous les jours ici», partage Trân Trung Dang (48 ans), domicilié dans le village de Bên Trê, à cinq kilomètres du puits. Chaque jour, cet homme enfourche son cyclo pour dix allers-retours (sept bidons à chaque fois), pour apporter de l’eau aux restaurants et hôtels.
Selon les personnes âgées qui habitent près de l’ancien puits, le métier a pris son essor pendant la guerre contre les colonialistes français.
«Auparavant, les porteurs d’eau étaient nombreux car il y avait plusieurs puits exploitables. Mais, actuellement seule l’eau du puits Ba Lê est encore potable», déplore M. Dang. L’homme s’inquiète aussi du risque de pollution du puits, qui signerait immanquablement la disparition du métier de porteur d’eau.