Le marché de Chu d’hier et d’aujourd’hui
Mettre à jour: 09 Juin 2014
Dans le bourg de Cho Chu de la province de Thai Nguyên (Nord), on a construit un marché et un supermarché flambant neufs. Pourtant, à l’arrivée des 1er et 6e jours de chaque mois lunaire, les habitants continuent de se rassembler au pied du banian centenaire pour le marché traditionnel.

Situé au pied d’une chaîne de montagnes, Cho Chu est une petite vallée bordée par deux ruisseaux dans le district de Dinh Hoa (province de Thai Nguyên). Les personnes âgées racontent que la région est miraculeuse et pleine de spectacles charmants, c’est pourquoi elle est habitée depuis des siècles.

Vicissitudes du marché

Selon la légende, les restes des troupes de la révolte chinoise «Royaume céleste de la grande paix» (à leur tête Hong Xiuquan), en arrivant à Dinh Hoa en 1870, ont découvert une si belle vallée au pied des monts de roches calcaires qu’ils ont décidé de s’y installer. Peu de temps après, les Kinh (ethnie majoritaire du Vietnam) ont quitté leur plaine à l’approche des Français pour se rendre dans ce district montagneux. Reconnaissant qu’il s’agissait d’un lieu propice à leurs activités commerciales, ils se sont regroupés pour créer un petit marché.

En 1915, après la domination de Dinh Hoa, les Français ont transformé la région de Chu en bourg. Le marché de Chu se composait alors de trois rangées de kiosques, devant lesquels étaient installés une grande lanterne pour éclairer en soirée. Il s’agissait d’un symbole riche et élégant qui suscitait la jalousie des habitants des autres régions.

En suivant les indications des personnes âgées, nous arrivons sur le terrain où se trouvait l’ancien marché de Chu.

On devine encore la trace du plancher. À côté se trouve le vestige d’un ancien puits. Le lieu a minutieusement été choisi pour creuser ce puits qui permettait aux habitants du bourg de récupérer une eau limpide et fraîche. Ces derniers étaient particulièrement fiers de leurs tasses de thé infusé avec l’eau du puits.

Durant la guerre 1954-1975, les habitants ont été contraints de le boucher. Mais, certains croient toujours qu’une source d’eau s’écoule silencieusement en dessous.

Les branches du banian centenaire s’allongent jusqu’à couvrir la porte d’entrée du marché traditionnel. Les personnes âgées se souviennent que l’arbre était déjà présent quand les Kinh sont arrivés à Dinh Hoa entre 1890 et 1900.

Le banian est devenu un témoin historique de la région à l’époque de la colonisation française, suivie par l’époque révolutionnaire du pays. Le temps ne semble pas avoir d’emprise sur lui. Les habitants se rappellent pourtant que le banian centenaire montrait des signes de faiblesse en 1995. De nombreuses feuilles étaient tombées. Les habitants ont fait le culte aux génies en couvrant le sol. Heureusement, l’arbre a progressivement repris ses forces.

Le marché de Chu a changé de propriétaire à plusieurs reprises. En 1949, il a fusionné avec la commune de Bao Cuong (district de Dinh Hoa). Puis, en 1954, il a fait partie de la commune de Phuc Chu de ce même district. Enfin, en 1958, il s’est officiellement inscrit dans le bourg de Cho Chu.

Échanges culturels

Selon le vieux Lê Nhâm, le marché de Chu se déroulait chaque 1er et 6e jours du mois lunaire. Auparavant, les ethniques minoritaires s’y rendaient pour goûter les plats typiquement Kinh et acheter des objets ou des tenues fabriqués par les Kinh. À l’inverse, les Kinh avaient l’habitude d’acheter des spécialités des autres ethnies. Le marché de Chu présentait alors des opportunités d’échanges culturels entre les Kinh du bourg et les ethnies minoritaires des villages et des régions voisines. On ne connaît pas exactement le nombre de couples qui se sont formés en se rencontrant sur le marché.

De nos jours, le bourg de Cho Chu dispose d’un marché tout nouveau et d’un supermarché moderne. Mais, à l’aube des 1er et 6e jours de chaque mois lunaire, les habitants ont gardé l’habitude de se rendre au pied du banian centenaire pour participer au marché de Chu. Lê Nhâm a rassemblé toutes les archives concernant le marché pour y consacrer un livre. Le temps passe mais les habitants savent que l’âme du marché traditionnel vit encore en eux.

Le courrier du Vietnam