La région de Buon Don a longtemps été réputée pour ses chasseurs et dresseurs d’éléphants M’Nong. On pourra être surpris d’y voir des éléphants déambuler dans les rues avec des habitants ou des touristes sur leur dos. Les habitants des Hauts Plateaux du Centre considèrent les éléphants comme des animaux sacrés. Dans cette région, les villageois pensent que les éléphants sont les égaux des hommes et que l’on doit les respecter.
Les M’Nong vouent un respect sans borne à un certain Y Thu K’Nul, nommé « roi-chasseur d’éléphant ». Cet homme, né en 1827, a une longévité plus que respectable avec 110 ans. C’est le père du métier de chasse et de dressage des éléphants des M’Nong. Il s’est bâti une carrière brillante : 500 éléphants de tous genres se sont agenouillés devant ce brave homme ! Un homme toujours vivant dans les histoires des M’Nong. Quant aux armes utilisées jadis par les chasseurs, elles sont conservées précieusement au Musée d’ethnographie de Buon Ma Thuot, dans la province de Dak Lak. Dao Minh Ngoc travaille dans ce musée et nous fait partager son savoir : « La chasse et le dressage de l’éléphant sont des métiers ancestraux auxquels les M’Nong sont très attachés. Jadis, chaque troupe de chasseurs se composait de 10 hommes qui travaillaient sous l’égide d’un leader, le plus expérimemté, bien sûr ! Ils utilisaient cinq ou six éléphants déjà dressés pour encercler la bête sauvage, et puis, l’attrapaient avec un lasso. L’éléphant était pris en main par des dresseurs dès le plus jeune âge, entre deux et quatre ans, car plus il était jeune, plus il était docile. »
Il faut mettre de cinq à sept mois, parfois quelques années pour apprivoiser l’animal sauvage. Ensuite, il était amené dans le village où les habitants l’accueillaient par une cérémonie solennelle. « L’éléphant est l’égal des hommes », c’est ce que les patriarches enseignaient à leurs descendants. Avec cette dimension particulière que l’animal devenait un membre de la communauté M’Nong, jusqu’à la fin de sa vie. Les prières étaient souvent destinées pour que l’éléphant soit en forme, qu’il obéisse et travaille assidûment.
De nos jours, la capture des éléphants en milieu sauvage est interdite par la loi. Mais le métier de dresseur existe toujours chez les M’Nong. 50 éléphants sont aujourd’hui au service des villageois de Ban Dong et de la commune de Lien Son, rattaché au district de Lak. Les rituels réservés à l’éléphant sont aussi minutieusement préservés. Dam Nang Long, issu d’une famille de 4 générations de dresseurs à Buon Don : « À part des valeurs matérielles, l’éléphant a également des valeurs spirituelles et culturelles. Lors de la saison des pluies, un culte est destiné à informer l’éléphant que les forces célestes lui ont donné la nourriture. Lors de la saison sèche où la nourriture est épuisée, on organise une autre cérémonie pour encourager l’animal. Les M’Nong éprouvent un sentiment exceptionnel pour l’éléphant. Il est un compagnon, mais aussi un membre de la famille. »
Les éléphants domestiqués sont un symbole original de la province de Dak Lak. On les voit partout, en train de travailler sur les champs, transporter des marchandises, des matériels de construction..... Par ailleurs, la ballade à dos d’éléphant est une expérience insolite pour les touristes. À Buon Don ou au bourg de Lien Son, vous pouvez embaucher un cornac pour une ballade à travers les forêts et les rivières. Y Tinh, un villageois : « Je vais souvent avec mon éléphant, il s’appelle Y Mam, ça veut dire « joyeux ». Il faut comprendre son caractère. Il mange beaucoup. Dans la forêt, il mange des feuilles, mais à la maison, il faut lui donner des bananes, des cannes à sucre ainsi que de l’eau un peu salée. Quand il est malade, il faut lui donner de médicaments. Comme ça, il ne nous quittera pas ! »
En 2009, le service de l’Agriculture et du Développement rural de la province de Dak Lak a élaboré un projet portant sur la création du Centre de préservation des éléphants dans le parc national de Yorkdon avec le soutien d’un fonds de 60 milliards de dongs. La création de ce centre devrait permettre de mobiliser les efforts de l’État et de la communauté locale à la préservation et au développement des éléphants comme un patrimoine vivant de la région.