Tous les passionnés de peinture vous le diront, Hanoï est une source d’inspiration intarissable. A chaque peintre sa façon d’immortaliser la beauté de la ville et surtout de ses rues. A chaque peintre, mais aussi à chaque époque…
S’il fallait ne retenir qu’un nom de peintre ayant réussi à immortaliser l’âme de Hanoï dans ses œuvres, c’est sans conteste Bui Xuan Phai qui ressortirait. Maître incontesté des peintures sur Hanoï du milieu du 20ème siècle, Bui Xuan Phai a écrit : « Hanoï est une beauté multiple qui correspond au goût de chacun. Ses rues et ses maisons anciennes sont magnifiques en peinture. Leur rythmique n’est pas monotone comme celle des immeubles ou des maisons préfabriquées. Certaines maisons sont hautes, d’autres basses, certaines grandes, d’autres petites, certaines sont en retrait, d’autres débordent sur la rue ». Même s’il a excellé dans les tableaux d’artistes de chèo ou les nature morte, aux yeux des amateurs de la peinture, Bui Xuan Phai reste « le » peintre des anciennes rues de Hanoï. Au cours des années difficiles, il peignait sur toutes les surfaces possibles et imaginables : un bout de papier journal, l’enveloppe d’un paquet de cigarettes…
Bui Xuan Phuong, lui-même peintre, est le fils de Bui Xuan Phai, nous fait savoir : «Dans la peinture de mon père, rien que les habits des passants dans la rue sont riches d’information. Il suffit aux professionnels de les observer pour savoir en quelle année l’œuvre a été créée. Par exemple, s’il y a des messieurs vêtus de tuniques ou portant des parapluies, alors on peut conclure que la peinture a été forcément réalisée au plus tard dans les années 1960. Il y a également des détails que seuls les gens de ma génération peuvent reconnaître. Ce sont des trous noirs sur le trottoir. Il s’agit en fait d’abris contre les bombardements. En entendant la sirène d’alarme, on ouvrait le couvercle et sautait dans cet abri creusé sous le trottoir».
Avec le temps, les maisons anciennes couvertes de mousse de Bui Xuan Phai ont cédé leur place à la modernité, en réalité comme en peinture. Pour un peintre vivant loin de Hanoï comme Nguyen Truong, dont le pseudonyme est Etcetera Nguyen, c’est l’animation qui demeure le trait le plus marquant de la ville. Certains trouvent que ses œuvres rappellent plus ou moins celles de Bui Xuan Phai. Mais Nguyen Truong explique qu’il observe sa ville aimée avec les yeux d’un enfant vivant loin qui veut conserver dans son cœur les moindres détails de son chez lui. Aussi les détails foisonnent-ils dans ses tableaux : les poteaux électriques, les enseignes, les motos, les marchands ambulants… Journaliste de son état, Nguyen Truong préfère décrire le présent : « Je veux dessiner une Hanoï complète et détaillée. Evidemment, j’ai beaucoup lu de choses à propos de Bui Xuan Phai mais je recherche un angle de vue qui m’est propre. C’est celui de quelqu’un d’extérieur qui se trouve loin et qui aspire à comprendre la culture millénaire de ses prédécesseurs ».
Hanoï en peinture ressemble de plus en plus à la réalité quand les peintres choisissent de décrire la vie contemporaine. Nguyen Ngoc Dan est l’auteur de trois expositions « A travers la rue » (2007), « Rues » (2012) et «Ruelles» (2013). Ses œuvres obsèdent les visiteurs par les images qu’elles renvoient : les lignes électriques enchevêtrées, les feux rouges, les hauts-parleurs… Nguyen Ngoc Dan peint une Hanoï originale, rustaude mais romantique.
«Les chercheurs aiment à saluer une Hanoï de civilisation millénaire, un point de convergence et de rayonnement. Mais pour moi, Hanoï est la terre des souvenirs et de la diversité, diversité culturelle mais aussi diversité des gens. De mon point de vue, les lignes électriques enchevêtrées représentent une ville en développement qui n’est pas bien aménagée. Il reste beaucoup à faire à ce niveau-là», nous dit-il. Avec leur imagination et leur créativité, les peintres ne cessent de célébrer la beauté de Hanoï et transmettent leur amour à tous, y compris à ceux qui n’ont jamais eu la chance de poser leurs pieds sur cette terre millénaire.