La province de Kon Tum est le fief des peuples autochtones des Hauts Plateaux, et donc des Bahnar, bien évidemment. Mais impossible de penser aux Bahnar sans penser aussitôt à leurs fameuses maisons communales, les rông.
La plus grande maison du village, au toit de chaume en forme de fer de hache, est appelée maison communale ou encore rông. Généralement édifié au coeur du village, le rông est le théâtre des activités communautaires des plus importantes, les sacrifices de buffles qui marquent chaque bonne récolte, par exemple. Mais le rông sert aussi de logement à tous les jeunes garçons âgés de plus de 13 ans, de salle de réunion pour les adultes et d'hébergement pour les étrangers n'ayant pas de répondants dans le village.
La construction d’un rông demande beaucoup de temps, car il faut au préalable partir à la recherche du lim, du sindora ou d’autres bois précieux qui sont indispensables aux travaux. Le rông se caractérise par une grande toiture très inclinée dont la hauteur atteint une vingtaine de mètres, comme pour mieux exposer la puissance et la prospérité du village aux yeux de tous. Cette toiture géante est quant à elle soutenue par un système de colonnes, façonnées avec des troncs insérés les uns aux autres à la diagonale. Ce genre de support renforce la résistance de tout l’édifice, mieux à même, ainsi, de faire face aux caprices de dame nature.
Le plancher est bâti sur pilotis, à environ deux mètres du sol. Deux escaliers permettent d’y accéder, l’un à gauche réservé aux hommes, avec sept marches, et l’autre à droite, destiné aux femmes, avec neuf marches au total. Mais il en existe un troisième, installé entre les deux premiers, réservé exclusivement aux patriarches lors des cérémonies rituelles.
A l'intérieur de cette grande case sur pilotis, on retrouve non seulement des lits de camp, des bancs et une rangée de foyers, mais aussi des trophées de chasses accrochées aux corniches intérieures. Nguyen Hoàng Tân, un touriste : «C’est authentique et charmant, aussi bien au niveau de l’architecture qu’à celui de l’ameublement. C’est très intimiste. J’ai aussi essayé de frapper les gongs exposés là-dedans. C’est vraiment impressionnant, cette culture bahnar.»
Oeuvre d’art à part entière, le rông fait la fierté des Bahnar. Mais c’est aussi un patrimoine à préserver. Or, au fil du temps et surtout des mutations nées de l’urbanisation galopante et des bouleversements sociaux de ces dernières années, certains rôngs sont tombés à l’abandon. Heureusement, les autorités locales, conscientes de l’importance patrimoniale de ces maisons, ont pris les mesures adéquates pour en assurer la préservation. Dans la province de Kon Tum, le comité du Parti a même adopté une résolution grâce à laquelle presque tous les rôngs ont pu retrouver leur éclat original. Dans la capitale, même, le gouvernement a invité les artisans Bahnars à reconstruire un rông authentique au sein du Musée d’ethnographie. Luu Hung, folkloriste, également directeur adjoint du musée: «Certains éléments culturels, dont le rông traditionnel des Bahnars risquent de disparaître au fil du temps. Faute des moyens de préservation, cette architecture ancestrale des Bahnars ne serait qu’une auréole du passé. Ce serait extrêmement regrettable, je dois dire !»
Les rông constituent en effet l’âme des Bahnar. Les préserver, c’est préserver le coeur-même des villages, l’endroit où sont gardées les vieilles légendes. Grâce à leurs rôngs, les villageois ont un repère dans leur vie spirituelle : tout en restant profondément attachés à leurs traditions ancestrales, ils peuvent ainsi vivre pleinement le temps présent.