Ruelles, l’âme de Hanoi
Mettre à jour: 25 Février 2015
Avec les nombreux lacs, le dédale des ruelles qui forme une partie de Hanoi marque l’identité paysagère de la capitale. À l’instar de l’homme, chaque impasse forge, à travers ses méandres, son propre destin.

Hanoi est émaillée de lacs, d’avenues ombragées et de jardins publics verdoyants. La capitale vietnamienne héberge de nombreux musées et lieux de culte. Elle est célèbre pour sa gastronomie, comme le nem et le pho, des spécialités aujourd’hui connues et reconnues dans le monde entier.

Une autre «spécialité» de la ville, souvent étrangère aux visiteurs : ses ruelles sous forme d’impasses, aux enchevêtrements parfois inextricables pour le néophyte.

Labyrinthe urbain

Hanoi abrite beaucoup de quartiers et de zones résidentielles constitués d’étroites ruelles sinueuses, que l’on peut rencontrer presque partout dans la ville. Nul ne saurait dire leur nombre exact.

Trouver une adresse ici ? Pas simple ! Surtout pour les maisons situées dans une ruelle interminable, elle-même se séparant en plusieurs embranchements formant autant de petites impasses. Une fois engagé dans une ruelle reliée directement à la rue principale, il faut s’engager dans une autre - de niveau 2 -, puis se frayer un chemin dans une autre petite impasse où se trouve la maison en question. De quoi mettre à l’épreuve même les caractères les plus patients.

Du charme à toutes les encablures

Si les rues, considérées comme le visage du centre urbain, proposent un festival de couleurs et une animation parfois étourdissante, ces ruelles foisonnent aussi de vie avec leurs marchands ambulants, leurs gargotes, leurs vendeurs de thé vert, leurs jeux. Ces activités forment en quelque sorte l’âme de la ville. Elles aident les citadins à se rapprocher, à créer des liens, renforçant le sentiment de «propriété communautaire».

«Pour les gens qui vivent depuis longtemps à Hanoi, les ruelles sont une catégorie de zone résidentielle représentative de la capitale», souligne le poète Giang Nam. C’est ici, dans ce cadre au charme certain, que se perpétue le mode de vie traditionnel. Ces ruelles font entre 2 et 4 mètres de large dans l’immense majorité des cas, et peuvent cacher de larges maisons-jardins. «Beaucoup de bâtisses abritent encore des jardins avec des pamplemoussiers, des aréquiers, des bambous. Cela donne à leurs occupants un espace de vie beaucoup plus salubre que ceux des habitations ayant pignon sur rue, qui doivent essuyer toute la journée les gaz d’échappement», remarque l’architecte Pham Thanh Tùng.

Mme Suu, née en 1949, habite dans la ruelle 281, rue Truong Đinh, arrondissement de Hoàng Mai, depuis qu’elle s’est mariée, il y a une quarantaine d’années. Avant que l’urbanisation ne tisse sa toile, c’était ici un ancien village nommé Tuong Mai. Elle vit avec les familles de ses deux fils dans un espace de 400 m², dont 300 m² consacrés à une grande cour hébergeant différentes plantes : champaca, manguier, aréquier, bambou... «Ma maison a été restaurée à plusieurs reprises. Mais je garde toujours ce jardin créé par mes beaux-parents. Aujourd’hui, mes petits-enfants apprécient cet espace vert», confie Mme Suu.

Une identité qui se dévoile au compte-gouttes

Chaque impasse a son identité propre. La ruelle Tam Thuong est actuellement réputée comme adresse gastronomique des jeunes. Si la rue Ðinh Liêt, dans le Vieux quartier, n’est déjà pas bien large, elle donne sur une impasse qui l’est encore moins : Trung Yên. Un coin bien gardé par les connaisseurs. «Personne vivant dans le Vieux quartier ne peut être considéré comme véritable Hanoïen s’il n’a jamais pris de Pho Suong dans la ruelle Trung Yên», tonne le poète Giang Nam. Pho Suong est, comme son nom l’indique, un tout petit restaurant de pho, où le soleil ne pénètre jamais. Mais il est bondé du matin au soir. C’est certainement «le plus hanoïen des restaurants de pho de Hanoi», comme quelqu’un l’a si bien exprimé.

À quelques pas de là, la ruelle numérotée 6 Ðinh Liêt. Une impasse si étroite qu’elle pourrait barrer l’accès à un sumotori ! Mais au bout, telle une oasis improbable, un superbe espace vert apparaît. Des aréquiers poussent très haut dans le ciel, à côté d’un vieux puits dans la cour. C’est l’unique villa-jardin à se tenir encore debout dans cette rue ancienne. Une bâtisse à deux étages d’architecture française, mais très vietnamienne dans son aménagement. Une association des plus harmonieuses.

Qui a pu percer tous les secrets que dissimulent les ruelles de la capitale ? Certainement personne. La ruelle Xóm Ha Hôi est romantique comme un poème d’automne. La ruelle Ðông Xuân (à côté du marché Ðông Xuân) suffirait à écrire quelques livres sur la gastronomie. De même pour la ruelle Phât Lôc. Sans compter moult autres impasses nommées, mais aussi anonymes. «Lors de mes promenades, je sens que Hanoi cache ses volets les plus intéressants dans ces ruelles sinueuses», partage le poète Giang Nam.

Hanoi ne s’apprivoise pas facilement. Il ne s’agit pas de mets précuisinés, encore moins de fast-food. Non, cela nécessite du temps, comme lorsqu’un chef étoilé procède au choix des meilleurs ingrédients. Le travail peut paraître fastidieux, mais au final, ô combien gratifiant. Hanoi l’authentique n’est pas contée dans les guides touristiques. Elle s’apprécie, se dévoile au fil de ses ruelles, que si l’on y met son cœur, son âme. Hanoi est belle, Hanoi est éternelle...
 

CVN