Dans les maisons des Thai, rien n’est laissé au hasard
Mettre à jour: 28 Octobre 2015
Les maisons sur pilotis des Thai noirs habitant la région Nord-Ouest se situent au pied des montagnes. De l’architecture à l’aménagement intérieur, chacune reflète la philosophie de vie de cette ethnie.

Les maisons sur pilotis des Thai noirs sont simples, mais solides. Elles sont faites de bambou et de roseaux, surmontées d’un toit de chaume. Au lieu d’être clouées, les différentes parties sont reliées par des bambous attachés entre eux. Pour créer un lien entre les piliers, la majorité des Kinh utilisent une mortaise, mais les Thai noirs préfèrent des poutres traversant les piliers.

«La toiture traditionnelle des Thai noirs prend la forme d’une carapace de tortue - ils croient que cet animal leur a appris à construire des maisons. Au-dessus de la toiture, se trouvent deux perches de bambou entrecroisées. Appelées +khau cut+, elles indiquent le statut social du propriétaire. Si celui-ci est riche, le +khau cut+ est sculpté. Celui d’un propriétaire au revenu moyen sera plus simple. Quand il s’agit de jeunes mariés, des motifs de femmes enceintes sont dessinées, pour demander une famille nombreuse», informe Luong Van Thiêt, chercheur au Musée d’ethnographie du Vietnam.

Jamais de nombres pairs

Pour les Thai noirs, la maison est l’harmonie entre la terre, le ciel et la nature. Le nombre de compartiments des meubles et de marches d’escalier est toujours impair : 3, 5, 7 ou 9. Chaque maison compte en règle générale deux escaliers. L’escalier arrière, qui a 9 marches, est réservé aux femmes. Celui à l’avant, pour les hommes, en a 7.
Une maison de l’ethnie Thai noir contient des détails qui symbolisent le yin et le yang. Par exemple, une femme seule ou une femme mariée sans enfants touchera les piliers qui soutiennent la main courante en espérant se marier ou avoir des enfants en bonne santé. Le nombre impair de marches d’escalier symbolise la chance et permet de repousser les mauvais esprits.

Les pièces sont disposées selon leurs fonctions. Celle du milieu, où se trouve souvent l’autel des ancêtres est la plus importante et la plus sacrée. Seuls les hommes sont autorisés à y rester le soir. Les femmes, en particulier les belles-filles, doivent s’incliner respectueusement en passant devant l’autel. Les parents ou les fils habitent dans les pièces situées à l’avant de la maison. Les filles et belles-filles vivent, quant à elles, à l’arrière.

Une pièce très importante est celle réservée au tissage. Auparavant, une jeune fille ne pouvait pas se marier si elle ne savait pas tisser. Sa dot était, en effet, constituée de produits qu’elle avait elle-même confectionnés : oreillers, couvertures et matelas. Les deux premiers devant être particulièrement nombreux. 

Une famille qui a une fille doit posséder un métier à tisser. Dans le cas contraire, elle est considérée comme paresseuse. Le métier à tisser est généralement placé près de la fenêtre et de son lit, de manière à être clairement visible de l’extérieur.

Ne pas tourner le dos aux fenêtres

Chaque maison est dotée de deux cuisines. La principale se trouve au milieu du salon. Assis autour du feu, les hôtes devisent dans un espace convivial. Un autre foyer sert à la cuisine quotidienne.

«En observant le feu, on connaît le statut social de son hôte. Le feu est l’âme de toute la maison. Il est comme un lien entre les membres de la famille. Il réchauffe aussi le cœur des jeunes couples. Des plateaux pour sécher des aliments sont disposés à proximité, ainsi que des pots de sauce de poisson et de sel», détaille Luong Van Thiêt.  

Pour les Thai noirs, si le feu est l’âme de la maison, les fenêtres en sont les yeux. Elles doivent rester ouvertes et les visiteurs sont invités à ne pas leur tourner le dos.

Au fil du temps, certaines de ces traditions se perdent ou changent. Mais les Thai noirs de la région Nord-Ouest mangent encore du riz gluant trempé dans une sauce spéciale, portent des costumes traditionnels et vivent dans des maisons sur pilotis, symbole durable de cette ethnie.

CVN