De nos jours, chacune des ethnies qu’abrite le Vietnam s’emploie à préserver ses traditions culturelles et son artisanat. Les Cham, qui sont au nombre de 160.000 et qui vivent essentiellement à Quang Nam, Ninh Thuân, Binh Thuân, Hô Chi Minh-ville et An Giang, c'est-à-dire dans le Centre et dans le Sud, ne font pas exception à la règle.
A eux seuls, les Cham possèdent 9 villages d’artisanat, la poterie et le tissage des brocatelles étant les deux activités dominantes. Pour ce qui est de la poterie, on peut citer Bàu Truc, dans la province de Ninh Thuân, et Binh Duc, dans la province de Binh Thuân. Pour les brocatelles, deux noms reviennent en force : My Nghiêm et Tân Châu, le premier de ces villages étant situé dans la province de Ninh Thuân, le second dans celle d’An Giang.
Pour Nguyên Huu Phuoc, le chef-adjoint de l’antenne de l’association des villages d’artisanat du Vietnam de Hô Chi Minh-ville, l’artisanat doit absolument s’affranchir de cet archaïsme qu’on lui prête si souvent.
« Les villages d’artisanat ont su préserver leur identité, ce qui est évidemment une bonne chose, nous dit-il. Mais pour autant, ils ne peuvent pas rester éternellement dans l’ignorance des tendances du marché. Quant aux artisans, il va bien falloir qu’ils se mettent à utiliser des machines pour accroître leur production. Mais ça suppose que l’Etat s’implique, à court et à long terme. »
S’il est vrai que l’artisanat est appelé à se moderniser, cela suppose aussi qu’il sorte du carcan familial. C’est particulièrement vrai pour les Cham, dont les produits artisanaux souffrent parfois d’un manque de finition. A cela s’ajoute la question de l’emballage, qui bien souvent est fait avec les moyens du bord… Certains villages ont néanmoins décidé de prendre le problème à bras-le-corps et de créer des coopératives, l’idée étant de gérer toutes les étapes de la production, vente comprise. Question de survie ? Sans doute, si l’on en croit les propos de Phu Van Han, chercheur en culture Cham et directeur adjoint de l’Institut des sciences sociales du Sud.
« Oui, il faut absolument préserver les villages d’artisanat, ceux des Cham a fortiori, nous confie-t-il. Mais ça suppose que des mesures soient prises sur le long terme... Imaginez un peu que tous ces villages périclitent, ce serait pour le moins navrant... »
Eh bien que Phu Van Han se rassure, les autorités n’ont justement pas l’intention de laisser ces villages à l’abandon, loin s’en faut. Elles entendent au contraire leur redonner un second souffle, en en faisant des destinations touristiques.
« Nous faisons régulièrement la promotion des villages d’artisanat sur Internet, et nous les mettons en lien avec les agences de voyage, nous explique Hô Si Son, directeur-adjoint du service de la Culture, des Sports et du Tourisme de la province de Ninh Thuân. A eux, maintenant, de relever le gant, et de lancer des produits susceptibles de satisfaire les touristes. »
Il s’agit, sommes toutes, de créer des cercles vertueux : le tourisme permet à l’artisanat de se développer, et l’artisanat permet à la culture Cham de résister aux affres du temps… « Il nous revient à nous, les artisans, d’encourager nos enfants à reprendre le flambeau. Bien maîtriser une activité artisanale, ça prend du temps, vous savez, mais justement, ça crée de la solidarité entre les générations », estime Say Mah, une tisseuse de brocatelles de Châu Giang, un village de la province d’An Giang.
L’Etat et les collectivités locales ont investi des dizaines de milliards de dôngs pour maintenir et développer les villages d’artisanat Cham, l’accent étant mis sur les infrastructures, les crédits, la formation professionnelle et la promotion commerciale.
L’artisanat Cham est sans doute en train de se réinventer. Reste à savoir si tradition et commerce peuvent faire bon ménage…