«Múa rối nước» : littéralement «danse marionnette eau». C’est ainsi que sont désignées les marionnettes sur eau, un art populaire on ne peut plus typique de la culture Kinh, qui rassemble toute la communauté villageoise.
Il règne une agitation inhabituelle autour de la pièce d’eau qui jouxte la maison communale. Paysans, artisans, petits commerçants, hommes, femmes, vieillards et enfants s’y sont donné rendez-vous. Cet endroit, d’habitude très calme, est aujourd’hui rempli de sons de tambours, de gongs et de quelques autres instruments de musique folklorique comme la viole à deux cordes ou la flûte traversière en bambou. Sur un côté de la pièce d’eau, se dresse une construction de brique en forme de temple, avec un toit recouvert de tuiles. Elle peut être également en bois ou en bambou, avec des tentures de toile ou des stores de bambou - écrans protecteurs derrière lesquels les marionnettistes, à moitié plongés dans l’eau, manipulent leurs poupées par un mécanisme fait de perches, de tiges, de gaines et de charnières. Nguyen Van Khoe, de la troupe de la province de Nam Dinh, nous confie : "C’est un mécanisme compliqué ! Mais on ne peut pas le voir durant le spectacle puisqu’on doit se cacher derrière les rideaux de bambou et se plonger dans l’eau. On travaille à l’aveuglette ! On est obligé de connaître parfaitement l’emplacement et la fonction de chaque tige, de chaque perche ! Il faut aussi faire attention à l’eau ! On ne peut pas manipuler les marionnettes si le niveau est trop ou bas, ou si c’est trop froid."
Le spectacle s’ouvre par une pétarade qui a le don de créer une atmosphère festive. Il comprend plusieurs « personnages », plusieurs marionnettes, en fait, qui sont de véritables petits chefs d’oeuvre de sculpture populaire, chacune ayant un caractère bien tranché.
Ce sont des scènes de la vie quotidienne qui sont représentées : combats de buffles, parties de pêche, un renard grimpant à un arbre pour attraper un oiseau ou dérobant un caneton à un vieux couple, un mandarin sautant de son palanquin pour enfourcher un cheval... Le répertoire comporte aussi des scènes tirées du théâtre populaire Chèo, des scènes à caractère plus historique, alors. C’est en fait tout l’âme de la rizière vietnamienne qui s’exprime avec ses personnages, ses traditions, ses rituels, ses animaux familiers, ses dieux et ses génies divers. Hoàng Minh Nguyet, du musée d’ethnographie de Hanoi a dit : "Des spectacles de marionnettes, on peut en voir dans le monde entier. Mais les marionnettes sur eau, ça, c’est vraiment typiquement vietnamien. C’est un art qui trouve sa source dans la culture paysanne ou dans les contes populaires."
Né au 12ème siècle, les marionnettes sur eau étaient alors intégrées à des rites d’invocation de la pluie. Ce n’est que plus tard qu’ells sont devenues le formidable divertissement populaire qui subsiste encore de nos jours. Nguyen Huy Hong, expert des marionnettes sur eau, nous explique : "C’est une création des habitants du delta du fleuve Rouge qui est étroitement lié à l’élément aquatique, qui est si présent dans ces régions. Et d’ailleurs, c’est sur une pièce d’eau que se donnent les spectacles !"
Le personnage le plus emblématique des marionnettes sur eau est sans conteste le petit « Tễu », un garçonnet replet, à la mine réjouie.
« Réjouie »... Eh oui, car il s’agit bien de réjouissance ! Chaque spectacle est une fête qui mêle humour et tendresse et qui nous montre qu’en dépit de leur dur labeur, les paysans vietnamiens sont mus par une irrésistible gaieté : leur force !