La ville de Hôi An (province de Quang Nam, Centre) est un bon exemple de préservation du bài choi. Chaque mois, dans les rues de l’ancien quartier, se tiennent des représentations gratuites. Cet art figure même, depuis 2013, au programme des cours de musique des écoles de la ville.
La province de Quang Nam est l’une des 11 provinces du Centre où se pratique le bài choi, une sorte de jeu de bingo vietnamien accompagné de chant et de musique traditionnelle. Et la ville de Hôi An, qui a très tôt compris l’importance de préserver ce «jeu chanté», mène depuis des années des activités de promotion et de préservation qui, ville touristique oblige, touchent bien au-delà du simple cercle des initiés et des habitants locaux.
Le Centre municipal de la culture et des sports a mis sur pied un réseau de clubs et troupes de bài choi qui donnent des représentations dans la vieille ville (appelé aussi l’ancien quartier). La ville recense sept anciennes troupes de bài choi, auxquelles se sont adjointes de nouvelles, créées plus récemment. Parmi elles, une trentaine de chanteurs expérimentés, quinquagénaires, qui jouent le rôle de meneurs de jeu (un chanteur-meneur de jeu est considéré un peu comme le «chef d’orchestre»).
Chaque 15e jour de calendrier lunaire, en soirée, au bord de la rivière Hoài, une dizaine d’artistes donnent des représentations gratuites qui s’inscrivent dans le cadre du programme Dêm phô cô (Nuit de l’ancien quartier). Huynh Thi Thuy y participe depuis les premiers jours. Elle confie : «Nous sommes très fiers de nous produire ici. Les spectacles attirent de nombreux touristes».
Quand les touristes montent sur scène
Le bài choi étant un jeu, il permet à ceux qui le souhaitent de participer. Vo Phùng, directeur du Centre de la culture et des sports de Hôi An, précise que n’importe qui peut participer aux spectacles. Même les étrangers, en dépit de la barrière culturelle et linguistique. «Pour les touristes étrangers, nous avons des guides chargés de l’interprétation. Ils les accompagnent pour expliquer les règles du jeu, traduire les paroles des chants. Certains de nos artistes connaissent aussi des bribes d’anglais et peuvent les guider», explique-t-il.
L’Américaine Kathy Griffin a participé à un spectacle lors de son récent passage dans la ville. «J’ai été tout de suite très intéressée par ces représentations en plein air. Nous, les touristes pouvons participer directement au jeu. Cette expérience m’a permis de toucher l’essence de la culture locale et de vivre un moment fort, inoubliable», s’enthousiasme-t-elle.
Mais pour vraiment préserver le bài choi, il est nécessaire de le transmettre aux jeunes, sinon cet art s’éteindra avec ses derniers artistes. Pour cela, Hôi An a choisi en 2003 une méthode radicale : introduire le bài choi dans les programmes d’enseignement de musique d’une vingtaine d’écoles primaires et de collèges. En outre, le Centre municipal de la culture et des sports organise chaque soir des cours pour les enfants de l’ancien quartier, pris en charge par des artistes expérimentés. «La plupart des enfants s’inscrivent d’eux-mêmes et sont très enthousiastes. Chaque cours réunit plus de 20 élèves», informe le directeur du Centre municipal de la culture et des sports, Vo Phùng.
Transmettre le flambeau aux jeunes
M. Phùng avoue cependant que seuls quelques-uns de ces enfants deviendront dans le futur des joueurs de bài choi professionnels. L’essentiel selon lui, c’est de «leur transmettre la passion et des connaissances générales sur cet art». Des talents ont déjà émergé. Par exemple Nguyên Van Vinh Phuc, 9 ans, qui, après seulement trois mois, peut maîtriser 25 airs. Parfois, il se produit au Théâtre municipal des arts traditionnels.
Le bài choi est un art propre à la région Centre. Outre son intérêt culturel et artistique, il véhicule des valeurs humaines et éducatives mais aussi patriotiques et civiques. Faire revivre ce «jeu chanté» dans la société actuelle ne sera pas aisé, à l’image de bien d’autres arts traditionnels en perte de vitesse voire carrément en voie de disparition. Cela passera probablement par une rénovation des méthodes d’interprétation, des airs, etc. pour l’adapter à un public nouveau.
In fine, la jeunesse seule décidera si oui ou non le bài choi continuera de faire partie de la vie locale, ou s’il deviendra un art muséifié et poussiéreux que l’on ressortira à certaines occasions, avec nostalgie.