À Tân Hôi, dans la banlieue de Hanoi, la fête du chèo tàu se tient tous les ans après le Têt et fait partie des réjouissances printanières locales.
Commune de Tân Hôi, district de Dan Phuong. Malgré l'atmosphère frisquète de cette nuit de début d'hiver, ils sont une cinquantaine à s'être rassemblés au club de chèo tàu. Une réunion bimensuelle qui regroupe des membres de tous âges. Si le plus âgé frise les 70 ans, le benjamin n'a que 12 ans.
"Notre club fonctionne depuis 10 ans sur la base du volontariat. Pas de cotisation, viennent ici ceux qui le souhaitent. Nous attendons toujours une assistance financière des autorités locales, mais peu importe. Le principal est de se réunir ici pour partager le plaisir de chanter à la manière de nos ancêtres", confie la directrice du club, Ngô Thi Thu.
Sept jours et 7 nuits de divertissements
La fête du chèo tàu de Tân Hôi a lieu chaque année après le Têt traditionnel, et dure 7 jours et 7 nuits, exactement du 15e au 21e jours du 1er mois lunaire. Rares sont les fêtes au Vietnam qui durent aussi longtemps. Cet événement attire plusieurs milliers de spectateurs venus des localités voisines et parfois de beaucoup plus loin.
Le chèo tàu est un art vocal des plus originaux. Autrefois, il était appelé "chant tàu-tuong" (littéralement "chant bateau-éléphant") car son interprétation nécessite 2 bateaux et de 2 éléphants en bois. Lors de la fête, les artistes amateurs, au nombre de 200 parfois, venus des villages de Thuong Hôi, Thuy Hôi, Vinh Ky, Phan Long..., jouent des rôles précis comme chua tàu (bateau-dieu), cai tàu (bateau-mère), con tàu (bateau-fils) ou quan tuong (cornacs). Tout se déroule sur un vaste terrain devant le dinh (maison communale), avec 2 parties principales : diurne et nocturne.
Dans la journée, on interprète des chants rituels (environ 30), la nuit des airs folkloriques et chants alternés entre homme et femme. Si les chants diurnes font l'éloge des mérites de Van Di Thanh, le génie tutélaire de Tân Hôi, un généralissime de la dynastie des Trân (15e siècle), ceux de la nuit vantent l'amour de la Patrie et de la terre natale, l'amour entre l'homme et la femme, les liens filiaux...
"Renaître de ses cendres"
À cela s'ajoutent les habituels jeux populaires de toute bonne fête campagnarde comme échecs, balançoire, concours de cuisson de riz...
Selon les vieillards de Tân Hoi, la fête de chèo tàu a été organisée pour la première fois en 1683, puis s'est éteinte en 1922. Après une longue éclipse de 76 ans, cet art original a pu renaître de ses cendres en 1998, lorsque le pays a lancé son appel à la préservation des traditions culturelles locales, notamment de celles menacées de tomber dans l'oubli.
Le club de chèo tàu de Tân Hôi a été ainsi créé et est devenu le rendez-vous des "artistes paysans". "Depuis dix ans, la fête de +chèo tàu+ se tient chaque année, mais avec une envergure encore modeste", confie Ngô Thi Thu. Les préparatifs sont longs, et comprennent répétitions, confection des costumes, construction de bateaux et éléphants en bois, fabrication des instruments (comme tambours, gongs, bannières...). "C'est grâce aux villageois que cette fête se maintient. Ils participent bénévolement, rognant sur leur temps de repos ou de loisirs", insiste-elle. Sourire aux lèvres, la chanteuse de chèo tàu exprime sa fierté de voir que la fête villageoise de Tân Hôi fera partie des activités culturelles et artistiques de célébration du Millénaire de Thang Long-Hanoi. "Une grande responsabilité, estime-t-elle. C'est pourquoi nous mettons les bouchées doubles pour être fin prêts".
À noter que le chèo tàu figure aussi dans le programme d'activités extrascolaires des écoles primaires et secondaires de la commune de Tân Hôi. Avec l'espoir que la jeune génération, à l'ère de l'internet et des jeux vidéo en ligne, aura à coeur de perpétuer ce patrimoine légué par ses aïeuls.