La lutte à la corde assise : un jeu original
Mettre à jour: 12 Mai 2015
Ngoc Tri est un vieux village situé dans l’arrondissement de Long Bien, à Hanoi. Tout comme d’autres vieilles contrées, il conserve de nombreux rites et jeux populaires originaux, dont la lutte à la corde assise.

D’aussi loin que se souvienne Le The Yen, septuagénaire aujourd’hui, la lutte à la corde assise a toujours fait partie de la vie communautaire du village. Dans sa jeunesse, il a d’ailleurs fait partie de l’équipe du hameau de Duong, dont il est l’actuel chef. Un titre purement nominal, mais dont il est très fier. « Les personnes âgées disent que ce jeu existe depuis longtemps, mais on ignore à quand il remonte exactement. Tout le monde veut s’inscrire pour participer. Ceux qui ne sont pas acceptés deviennent des supporters inconditionnels », nous dit-il.

Si on ne sait à quelle époque remonte ce jeu, on sait en revanche qu’il tire son origine d’une sécheresse qui a frappé le village, asséchant 11 de ses 12 puits. Seul celui du hameau de Dia était encore plein. Les hommes des deux autres hameaux du village, Duong et Cho, y venaient puiser de l’eau. Craignant alors de manquer d’eau à leur tour, les hommes du hameau de Dia ont voulu les en empêcher. Les uns tiraient les seaux avec force, les autres les retenaient coûte que coûte. Mais de peur que l’eau soit renversée, ils étaient obligés de rester assis par terre… D’où ce jeu... Le docteur Nguyen Van Huy, membre du Conseil national du patrimoine : « La lutte à la corde assise traduit les aspirations à une bonne récolte, à un temps clément et à une bonne santé de toute la communauté. Selon la coutume, trois équipes participent à la lutte mais ce sera toujours la même qui gagnera ».

Mais qui est donc cette équipe qui gagne tout le temps ? Vous n’allez pas tarder à l’apprendre. Pour ce qui est des équipes, elles sont composées de fils des bonnes familles, chacune comptant de 11 à 17 membres, en fonction des années. Le chef de chaque équipe est désigné par les villageois. Le The Yen, toujours : « Selon la tradition, la lutte à la corde a lieu le 3ème jour du 3ème mois lunaire. Les équipes doivent s’entraîner à rester assis, selon les règles ».

Le jour J, les trois équipes forment trois rangs dans la cour du temple Tran Vu. L’un des chefs d’équipe dépose des offrandes au temple. Après le culte au temple et la présentation des règles, les trois équipes font un tour du chemin sacré du village en courant puis se réunissent dans un terrain destiné au jeu. Un poteau y est planté, avec un trou percé à la hauteur du genou d’un adulte pour faire passer la corde. Les membres des équipes sont donc assis par terre, une jambe pliée, l’autre étendue, un bras étendu et l’autre plié devant la poitrine, la corde étant tenue sous l’aisselle de ce bras. Et le jeu commence par un mot d’ordre simple : « Tire ! ». Et quelle que soit l’évolution du jeu, c’est toujours l’équipe du hameau de Duong qui gagne. Pourquoi ? Le Van Cu, gardien du temple Tran Vu, explique : « Dans la perception des villageois, ce jeu représente un serpent. Le hameau de Duong se trouve à l’entrée du village, à la place de la tête du serpent sacré, selon le fengshui. Si donc, l’équipe du hameau de Duong gagne, tout le village aura une année faste, une bonne récolte et un temps clément. C’est pourquoi, depuis toujours, l’équipe du hameau de Duong gagne ce jeu ».

Etant donnée son originalité, la lutte à la corde assise du village de Ngoc Tri a été inscrite au patrimoine culturel immatériel national. Son dossier a été soumis à l’UNESCO en vue d’une éventuelle inscription au patrimoine mondial de l’humanité cette année.
 

CVN