À partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, des populations chinoises ont immigré et se sont installées au Sud du Vietnam, surtout à Biên Hòa dans la province de Dông Nai. Ils y ont construit des monuments d’envergure, dont la pagode Chùa Ông.
Située au sein de la commune de Hiêp Hòa, à Biên Hòa, la pagode Chùa Ông (pagode de l’Homme) a été construite en 1684 par la communauté chinoise.
Dès son arrivée dans la région, elle souhaitait avoir un lieu pour se réunir et prier lors des différentes cérémonies. La pagode est ainsi devenue une destination spirituelle et festive des habitants, mais aussi un centre communautaire de rassemblement socioculturel chinois.
Une architecture vieille de plus de trois siècles
La pagode, appelée Thât Phu Cô Miêu, est d’architecture typiquement chinoise. En face, se trouvent un ancien temple et des arbres centenaires qui font face au fleuve Dông Nai. Sur le toit, les deux statues de M. Nhut et Mme Nguyêt symbolisent la dualité du Yin et du Yang dans la philosophie chinoise. À l’extérieur, des statues en céramiques vernissées de couleur verte représentent des activités traditionnelles telles que chansons de gestes, contes folkloriques…
En plus de 300 ans, cet édifice a été restauré et embelli à plusieurs reprises, les travaux les plus récents datant de 2010. Ainsi, les éléments actuels ne sont ni hétérogènes, ni représentatifs de la chronologie, d’un style ou d’un art en particulier. La pagode symbolise néanmoins le développement de la société, notamment l’intégration de la communauté chinoise dans la culture vietnamienne.
Ce monument attire régulièrement les habitants de la région et des pèlerins qui viennent prier et se recueillir. «Je m’y rends le 1er et le 15e jours du calendrier lunaire. C’est un lieu paisible pour prier et oublier les soucis de la vie quotidienne», témoigne Pham Thi Hoa, habitante de Biên Hòa.
En plus d’être la plus ancienne pagode chinoise du Sud du Vietnam, elle reste superbe d’un point de vue architectural. Elle a été reconnue en 2001 comme patrimoine culturel et historique du Vietnam.
En 1679, la dynastie des Qing succéda à celle des Ming en Chine. Chén Shàng Chuan (Trân Thuong Xuyên en vietnamien) et Chén An Ping (Trân An Binh), généraux de la dynastie des Ming, emmenèrent les soldats et leurs familles pour s’installer au Dai Viêt (nom du Vietnam de 1054 à 1400 et de 1428 à 1804). À bord des 50 navires, ils étaient à l’origine 3.000 personnes à s’installer à Biên Hòa. Ils ont commencé par fonder un grand quartier, le Nông Nại đại phố, puis un grand port afin de faire du commerce avec la Chine et le Japon.
Le commerce en plein essor
Ils représentaient au total sept différentes congrégations : Canton, Chaozhou, Kiang Tcheou, Fujian, Hainan, Fuzhou, Hakka. Chacune était spécialisée dans diverses corporations. Par exemple, les Cantonnais s’occupaient des épiceries, des tabacs, ou de la construction de fours pour la céramique. Les Fujians achetaient et vendaient de la ferraille et des véhicules usés. Les Hakkas exploitaient et sculptaient les pierres, ou pratiquaient la médecine orientale...
Jusqu’au début du XXe siècle, les Chinois travaillaient dans tous les domaines liés à l’alcool, à la vente de riz et de pain, et à la conception de nouilles et de tissus. Plusieurs familles s’enrichissaient grâce à ces activités commerciales. Ils ont ainsi participé à la construction des villages de métiers, notamment celui de la céramique et de la sculpture de pierres.
De ce fait, la communauté chinoise de Biên Hòa a grandement contribué au développement de la région. Au cours des époques, elle s’est parfaitement intégrée à la société vietnamienne. «Ces dernières années, la plupart des jeunes Chinois ne parlent plus leur langue», informe Chung Anh Tùng, membre du Comité de gestion de la pagode, lui-même d’origine chinoise.
Selon le Comité de mobilisation et de propagande auprès du peuple de Dông Nai, la population chinoise dans cette province était estimée à 129.000 personnes en 2015, dont 8.700 habitaient à Biên Hòa, soit 6,7%.