Son Vi est un village de la province septentrionale de Phu Tho qui possède sa propre troupe de batteurs de tambours de cérémonie. En ces jours de fin d’année lunaire, ceux-ci répètent assidûment pour préparer la fête traditionnelle de leur village qui aura lieu au troisième jour du premier mois lunaire.
Devant la maison communale, cinq hommes, tous soixantenaires au moins, semblent ne plus rien voir d’autre que leurs tambours. La fête villageoise à venir est très importante et leurs tambours de cérémonie y joueront un rôle crucial.
« En entendant le son du tambour de cérémonie, les villageois savent que ce jour-là, il y a une cérémonie importante à la maison communale, dit Kieu Trung Hieu, l’un des batteurs. Ça relève du domaine spirituel, le son du tambour va directement au cœur. Il excite les gens et stimule leur foi. Il ne s’agit pas du tout d’un tambour ordinaire. »
Son Vi est un village ancien qui dispose de tout un réseau de sanctuaires honorant les génies et les généraux de l’époque des rois Hung, fondateurs du premier Etat vietnamien. Il a plusieurs fêtes, mais c’est celle du troisième jour du premier mois lunaire qui attire le plus de monde, non seulement des alentours, mais aussi de provinces voisines comme Vinh Phuc, Tuyen Quang, Yen Bai.
« Les tambours rituels de notre maison communale servent exclusivement aux cérémonies d’invocation des génies, nous fait savoir Bùi Van Thành, chef de la troupe artistique du troisième âge de Son Vi. Nous en avons cinq. C’est au troisièmejour du premier mois lunaire, au sixième jour du troisième mois, au dixième jour du dixième mois, au huitième jour du quatrième mois et au dix-huitième jour du douzième mois.
En entendant le son des tambours, les villageois savent que les patriarches du village commencent à invoquer le génie tutélaire. Et tout le monde écoute attentivement pour voir comment le son des tambours rituels de la nouvelle année diffère de celui des années précédentes. Nous pouvons prévoir l’avenir rien qu’à l’écoute de ces tambours de cérémonie. Si le son est continu, vivifiant, l’avenir est prometteur, le climat sera clément et la paix règnera au village. Avec un son discontinu, ce sera alors le contraire ». Au son des tambours, les patriarches du village se succèdent devant l’autel du génie tutélaire pour une série de rites qui peuvent facilement durer plus d’une heure. Un batteur de tambour rituel doit non seulement maîtriser parfaitement son instrument, mais aussi connaître par cœur tous les rites.
Certes, battre un tambour, ce n’est pas trop compliqué. Mais quand il s’agit d’un tambour rituel, ce n’est plus la même chose. Le son du tambour rituel doit être à la fois énergique et solennel. Il traverse le temps et l’espace paisible de ce village de moyenne région, laissant dans l’inconscient des villageois les traces d’une tradition ancestrale.
« Les tambours de cérémonie du village nourrissent notre spiritualité, indique Bui Van Ky, un villageois qui adore ce son depuis sa plus tendre enfance. Ils nous apportent sérénité et chance. A leur écoute, tout le monde s’immobilise. C’est un son vraiment sacré pour nous. » Kieu Van Hien, gérant de la maison communale, nous dit que le son du tambour rituel l’incite à faire le bien :« Chaque fois que je fais une cérémonie, j’ai l’impression que le son du tambour rend la maison communale plus sacrée, nous dit-il. Il renforce mon attachement aux divinités qui protègent mon village. Je veux rester tout le temps à leur service pour qu’elles bénissent mes enfants, ma famille. »
Les tambours de cérémonie de Son Vi réveillent la nature, promettent de bonnes récoltes, une progéniture abondante… Aussi loin qu’ils soient partis, les villageois gardent à jamais gravée dans leur mémoire le son grave, tonique et solennel de ces instruments qui ont rythmé et continueront de marquer leur vie spirituelle.