"Le 3e mois lunaire est le mois des festivités...". À vraiment dire, les festivités commencent déjà en janvier, après la fête du Nouvel An.
Au Vietnam, outre le culte des ancêtres et des héros nationaux, les loisirs intelligents honorant l'esprit martial, il demeure des fêtes printanières attachées à la vie paysanne. Une culture de la riziculture inondée, un surpeuplement des populations vivant de l'agriculture sont les raisons de cette floraison de fêtes originales.
La tradition millénaire, culturelle et festive, qui s'oriente vers le métier d'agriculteur, est encore conservée. Dans le delta du fleuve Rouge, au Nord, et celui du Mékong, au Sud, et dans les plaines littorales parsemées du Nord au Sud, ainsi que dans les communes montagneuses vivant de la culture en terrasse, les agriculteurs et les pêcheurs estiment et vénèrent les mêmes valeurs du travail, des produits donnés par la nature et par eux-mêmes.
Les grains de paddy, les pommes de terre douces, et les animaux domestiques sont très chers au paysan. Ainsi, dans les tableaux populaires du village de Ho, on peut voir des cochons, des coqs à crête rouge, des buffles se reposant paisiblement à côté d’un agriculteur, mais aussi des carpes se transformant en dragon.
Les fêtes printanières sous le signe du métier d'agriculteur sont présentes dans l’âme de plusieurs générations, embaumant le coeur des habitants au village. Dans certains villages de la province de Hung Yen, le vieillard jouant le rôle du Génie de l'agriculture conduit, au premier jour du Têt, un groupe d'agriculteurs au champ, pour une cérémonie de repiquage de nouvelles pousses de riz, afin d'aspirer à de bonnes récoltes. Aussitôt que les jeunes plantes de riz sont repiquées, s'élancent les roulements de tambour. Les participants irriguent les jeunes plantes de riz, sans oublier le Génie de l'agriculture. Ce dernier est bien mouillé. Une armée prospère s'annonce déjà.
Dans la province septentrionale de Phu Tho, la procession au Génie du paddy est célébrée en grande pompe. Les villageois font un cortège de cannes à sucre, sur lesquelles sont attachées les plantes de riz robustes. Les vieux agriculteurs et les jeunes escortent le Génie du paddy jusqu'au champ. Ils chantent joyeusement: "Souhaitons que les jeunes plantes de riz poussent comme les barbes. Qu'elles atteignent la tête. Que leurs épis poussent sans cesse. On tient ici une fête en l'honneur du Génie du paddy". Depuis des milliers années, les paysans sont attachés au riz. Ainsi, outre la procession du riz, un certain nombre de villages tiennent également la fête de cuisson du riz. Chaque fête détient sa propre particularité et attire autant les vieux que les enfants.
Dans la région de Ha Nam, et Nam Dinh, plusieurs villages tiennent leurs concours de cochons, lors de la fête du Têt. Les cochons candidats reçoivent de la soupe de riz, de la laitue d'eau, et sont escortés sur un hamac d'honneur. Est gagnant le plus gros et gras, qui reçoit comme prime quelques ligatures de sapèques, et une pièce d'étoffe en soie rouge vif. Après le Têt, le cochon primé donnera de jeunes cochons aux villageois. Le village de La Phu, dans la province de Ha Tay, tient aussi une procession de cochons. Le cortège est joyeusement célébré dans 6 "giap" (division d'un hameau), avec des drapeaux et parasols d'honneur, un orchestre traditionnel.
Le buffle n’est pas laissé en abandon durant la fête du Têt. Plusieurs villages de la province de Thanh Hoa organisent un concours en son honneur. Le buffle le plus gros et puissant, mais aussi le plus apprécié par les villageois pour son travail de labour durant un an, remportera le premier prix. La famille du maître recevra un plateau copieux avec des gâteaux de riz gluant, ceux à la ramie, du riz gluant cuit à la vapeur, de la compote. Elle a aussi l'honneur de conduire son buffle le long de la voie communale, pour bien l'exposer aux villageois. Ensuite, elle atèle sa bête à un nouveau joug, souhaitant que tout le monde s'emploie au métier d'agriculteur dans la nouvelle année.
Les villages riverains du fleuve Rouge organisent, eux aussi, une procession de l'eau, pour solliciter des temps favorables, et de l'eau pour irriguer leurs champs. La procession de l'eau est liée à la légende de Chu Dong Tu, qui rencontra la princesse Van Dung, sur le javeau Tu Nhien. La cérémonie est célébrée pendant 3 jours. L'eau est prise au milieu du fleuve Rouge, et escortée par des centaines de personnes. Le cortège comprend deux délégations de jeunes garçons et de jeunes filles, des troupes de danse et de chants. Un groupe d'une dizaine de barques se charge de la prise de l'eau. Un autre groupe porte les jarres d'eau exposées sur les chaises à porteurs. Les sons de tambour, de cloche, et de flûte sont bruyants. Les groupes s'habillent de vêtements de diverse couleur. Les jarres d'eau seront transportées jusqu'à la maison communale, où attend une cérémonie présidée par un patriarche, en vue de bonnes récoltes.
Les fêtes agricoles au Vietnam sont très riches. Les pêcheurs des provinces littorales du Centre et du Sud officient la cérémonie “Nghinh Ong” (réception de son Altesse), pour solliciter la sécurité et des meilleures prises de poissons. Dans les montagnes, les minorités ethniques, comme les Thai, Tay, Nung, organisent au printemps une fête baptisée "Long Tong" (descendre au champ), en guise du Génie de l'agriculture. Lors de la fête, les jeunes chantent "Les végétations pleines de joie/ Les villages tumultueux de silhouettes de licornes."
Les Nung peuplant des régions montagneuses au Nord tiennent un concours de chants, en vue d'inviter la Mère lunaire, et ses 12 odalisques à venir protéger les moissons. Si la fête Long Tong est propre aux minorités ethniques, les basses régions organisent, depuis des milliers d'années, la fête de descente au champ au début du printemps, à laquelle participaient les rois. La fête "tich dien" (où les rizières sont travaillées par le roi lui-même) date de 987, quand le roi Le Hoan laboura un champ. Elle fut organisée somptueusement sous le règne des Ly, Le, et Nguyen. Le roi Minh Mang choisit deux rizières dans les quartiers Hoa Thai, et Nguong Tri, pour y labourer lors de la fête tich dien.
Les filles Muong vivant dans le Nord-Ouest participant à la fête de piler du paddy. Lors de la fête, les jeunes filles parées de beaux costumes s'installent autours de deux rangées de longues man¬geoires en bois. Tout le monde rêve de mangeoires pleines de riz parfumé pour l'année suivante. Au printemps, les jeunes Chain, au Sud, tiennent une fête nocturne de lanterne. Les chants racontent leurs affaires, les travaux de labour, la semence, et les moissons.
Les fêtes villageoises persistent toujours dans chaque hameau, comme l'éternité du printemps.