C’est un territoire profondément marqué par les caprices du fleuve. Aussi paradoxal cela soit-il, c’est d’ailleurs souvent le long des fleuves les plus dangereux, les plus sujets à des crues fréquentes, que s’établissent les êtres humains. Le Fleuve Rouge ne fait pas exception. Pas étonnant, dès lors, que son delta soit considéré comme le berceau de la civilisation vietnamienne et de la culture du riz inondé. Les maîtres de ce delta nourricier et de la riziculture inondée sont les Kinh.
Le fleuve Rouge doit donc son nom aux alluvions qu’il charrie, lesquels ont, semble-t-il, la particularité de lui donner une teinte rougeoyante. Mais venons-en tout de suite à la riziculture inondée, qui est la base de l’agriculture du delta, un delta qui se présente comme un vaste quadrillage de rizières, émaillé par un réseau très dense de digues et de canaux. Pays tropical, le Vietnam est soumis à l’influence des moussons, ce qui y favorise bien évidemment la riziculture.
Naturellement, le riz est la céréale la plus consommée par les Vietnamiens. A l’origine, le riz poussait à l’état sauvage. Mais les Kinh ont réussi à créer une méthode de culture et de production. Les agriculteurs du delta du fleuve Rouge ne sèment pas directement les semences de riz dans les parcelles, mais dans des pépinières. Les plantules sont ensuite arrachées et repiquées dans les rizières. Et l’eau est le facteur essentiel de la production rizicole: «premièrement l’eau, deuxièmement la fumure, troisièmement le labeur, quatrièmement les semences». Les Kinh ont également parfaitement su maîtriser les systèmes d'irrigation et s’accoutumer d’un calendrier parfois capricieux en pratiquant des saisons intercalaires. Les agriculteurs s’en remettent à la protection de leurs ancêtres et à celle, beaucoup plus tellurique, des 4 génies fondamentaux: celui de la pluie, celui du vent, celui du tonnerre et celui de l’éclair. Leur spiritualité s’en ressent bien évidemment, de même que leurs arts populaires, dont le hat chèo-théâtre populaire et les marionnettes sur eau sont sans conteste les manifestations les plus éminentes. Les Kinh n'hésitent jamais à parcourir de nouvelles terres sauvages. Où qu’ils aillent, ils laissent leur empreinte en formant de nouveaux greniers à riz, comme dans le delta du Mékong, par exemple. Le riz aura donc nourri des générations et des générations de Vietnamiens. Mais la riziculture n’est véritablement devenue une activité économique de pointe qu’à la fin des années 1980, avec l’abandon de la collectivisation et l’introduction de nouvelles techniques de culture. Non seulement la famine y a disparu, mais en plus, le Vietnam est devenu l’un des plus grands exportateurs de riz du monde. Le Vietnam a commencé à exporter du riz en 1989, a souligné le professeur Vo Tong Xuan. Grâce aux variétés à haut rendement, aux systèmes hydrauliques modernisés, et aux nouvelles politiques, les agriculteurs vietnamiens ont pu échapper à la famine et même exporter leurs produits.
Actuellement, le Vietnam se positionne au deuxième rang mondial en termes d'exportation de riz, avec 7 millions de tonnes l'an dernier. Mais ce chiffre pourrait encore augmenter, avec l’introduction des nouvelles technologies qui est préconisée dans le cadre de la nouvelle ruralité. Nguyen Thi Tam, une agricultrice du district de Quoc Oai, en banlieure de Hanoi, précise: Mécaniser les travaux champêtres, ça permet d'économiser les forces humaines. Ça réduit aussi les coûts de production. En un mot, c’est efficace!
Quant à Nguyen Huu Lài, agriculteur dans le delta du Mékong, il affirme: Autrefois, chacun sélectionnait sa propre variété. Mais aujourd'hui, on décide de travailler ensemble. La qualité s'améliore nettement, et c’est tant mieux!
«Dans la rizière haute et dans la rizière basse-le mari herse, la femme repique, le buffle laboure». Ces images d’Epinal appartiennent à une époque en passe d’être révolue. Elles n’en symbolisent pas moins une civilisation qui tire toute sa substance de la culture du riz./.