En dialecte thaï, « piêu » signifie tout simplement « écharpe ». Véritable chef d’œuvre de broderie artisanale, le « piêu » est aussi un outil de séduction auquel il est bien difficile de rester insensible.
Dès l'âge de six ans, les fillettes thaï s'initient à la broderie, en commençant par des motifs assez simples. Quelques années plus tard, elles se mettent à tisser leurs premiers « piêu » et leurs premiers vêtements brodés. Luong Van Thiet, ethnologue de son état :
« Les « piêu » sont de véritables chefs d’œuvre par lesquels les Thaï font montre de toute leur habileté artisanale et de tout leur sens esthétique. On y brode souvent des cerfs, des papillons, des oiseaux, des tigres, parfois la lune, ou encore des arbres... »
Les motifs de décoration varient d’une région à l’autre. Ils se distinguent souvent par des combinaisons de couleurs bien spécifiques.
Toute jeune fille thaï digne de ce nom se doit de savoir tisser un « piêu », lequel ; se présente sous la forme d’un carré d’étoffe teint en bleu indigo et brodé avec des motifs plus ou moins sophistiqués. Mais attention, le brodage se fait sous, et non sur, l’étoffe, ce qui fait qu’il est impossible de distinguer le recto du verso. Minh Nguyet, du musée d’ethnographie du Vietnam :
« L’habileté d’une fille Muong se traduit par les ceintures qu’elle fait. Chez les Thaï, c’est le « piêu » que l’on regarde, et qui fait qu’un homme va s’intéresser à telle ou telle demoiselle. »
Le « piêu » fait la fierté des Thaï. Il est de toutes les festivités. Les jeunes filles l’arborent pour se faire valoir aux yeux de tous, et si possible à ceux des élus de leurs cœurs, lesquels ne sauraient décemment résister à un tel assaut de charme. Le jour de leur mariage, elles portent le fleuron de leur collection, qu’elles auront pris soin de préparer à l’avance, autant pour être belles que pour convaincre une bonne fois pour toute leurs beaux-parents de leur habileté, pourtant indiscutable ! Luong Van Thiet :
« La tradition veut que les jeunes mariées offrent des « piêu » à leurs belle-mères le jour du mariage. Mais elles en offrent aussi comme gage d’amour à leurs promis ! »
Le « piêu » symbolise aussi la protection des forces célestes. Quant une Thaï s’est éteinte, son « piêu » conduira son âme vers l’autre monde. Luong Van Thiet, toujours :
« Pour les Thaï, le « piêu » représente le génie Hua Van qui protège la tête et l’âme, les deux parties les plus importantes d’un être-vivant. « Hua » signifie « tête » et « Van », « âme ». C’est pour ça, d’ailleurs, que les Thaï détestent être touchés sur la tête. »
Le « piêu » confère à celles qui le portent grâce et séduction. Mais il faut souffrir pour être belle ! Et vu ce que le tissage d’un « piêu » représente de patience et de savoir-faire, ce ne sont certainement pas ces demoiselles qui nous prétendront le contraire ! Et ce n’est certainement pas moi, en tout cas, qui trouverait à y redire !