Quoiqu’ils
fassent, une bague, un bracelet, un collier ou une statue de Bouddha, les
sculpteurs sur pierre du village de Non Nuoc font preuve d’une minutie et d’une
précision à faire pâlir un horloger. Ils vous façonnent des myriades d’objets
de toutes sortes et de toutes tailles, des objets qui suscitent une curiosité
évidente.
Les sculpteurs sur pierre ont élu domicile le long
des rues Huyen Trân Công Chua et Lê Văn Hiến. Leurs boutiques, qui sont donc
accotées les unes aux autres, présentent une litanie d’objets sculptés, divers
et variés. A première vue, on aurait volontiers l’impression d’être égaré dans
un univers fantasmagorique, un univers où tout est pétrifié.
Non Nuoc est un village qui vit au rythme de ses
artisans. Les visiteurs qui sont de passage en rapportent toujours un petit
souvenir. Et si l’on en croit Thanh Hằng, une vendeuse, c’est même l’affluence
tous les jours, à tel point qu’on se demande comment une telle demande, et
surtout une demande aussi diversifiée, peut être satisfaite : "Il
existe plusieurs sortes de pierre, le granit, le quartz, le cristal… chaque
sorte de pierre a des qualités qui lui sont propres. Alors bien sûr, les prix
diffèrent eux-aussi !"
Entouré des monts de Ngu Hanh Son, les monts des 5
éléments de la cosmologie chinoise, le village de Non Nuoc est devenu une étape
obligée pour les touristes qui séjournent dans la région de Danang. Et
naturellement, pour les ateliers de sculpture, cette manne touristique est une
véritable aubaine. Huỳnh Cự, chef du bureau économique du district de Ngu Hanh
Son : "Ces dernières années, la sculpture sur pierre a connu un
véritable essor. Actuellement, à Non Nuoc, on dénombre environ 600 ateliers,
pour 4000 travailleurs. Les revenus annuels du village se chiffrent à 250
milliards de dongs et les travailleurs perçoivent en moyenne 4 ou 5 millions de
dongs par mois. Non Nuoc est un village qui contribue pour une part
non-négligeable à l’économie locale et qui offre des emplois, notamment aux
agriculteurs qui se retrouvent privés de terre par l’urbanisation."
Trương Ngọc Mừng, 46 ans, est déjà un artisan
chevronné : 20 ans d’ancienneté dans le métier ! Il constate
lui-aussi un regain d’activité : "Il y a de nombreux jeunes qui
affluent vers notre village, et pas seulement en provenance des provinces
avoisinantes, il y en a même qui viennent du Nord ! La sculpture sur
pierre est un métier qui demande beaucoup de minutie et de persévérance. C’est
à ces 2 qualités, absolument essentielles, que l’on reconnaît un sculpteur
digne de ce nom ! Et puis, dans un autre ordre d’idée, je dois dire
que c’est un métier qui rapporte des revenus tout à fait convenables."
Comme nous vous le disions en introduction, les
objets - ou les produits, c’est comme on voudra - qui sortent des ateliers de
Non Nuoc sont extrêmement variés : ça va de l’ustensile de la vie
quotidienne à la sculpture monumentale, du service à thé à la statue de
Bouddha. Présents dans toutes les régions du pays, ils franchissent même les
frontières avec des commandes émanant des Etats-Unis, de l’Europe, du Japon...
Face à cette demande croissante, les sculpteurs de Non Nuoc ont à cœur de
diversifier et d’améliorer leur production. Non contents de leur avoir enseigné
tous les rudiments du métier, ils envoient leurs enfants parfaire leur
apprentissage dans des écoles des beaux-arts. Et lorsqu’il s’agit de créer de
nouveaux modèles, ils n’hésitent pas à faire appel à des peintres ou à des
sculpteurs de renom. Mais d’après Nguyễn Việt Minh, le président de
l’association des sculpteurs de Non Nuoc, le village manque encore d’une vraie
main d’œuvre qualifiée : "Le problème de notre village c’est le manque
de main d’oeuvre qualifiée. Un atelier doit souvent employer une vingtaine ou
une trentaine de travailleurs. Ce sont des travailleurs qui sont compétents sur
le plan artistique, qui ne sont pas que de simples ouvriers. Mais on a beau
proposer des salaires élevés, jusqu’à 6 ou 7 millions de dongs par mois, il en
manque toujours."
Les questions de marque commerciale ou de débouchés
ne sont pas un problème pour les sculpteurs de Non Nuoc. Leur souci vient
plutôt de l’approvisionnement en matières premières. Huỳnh Cự: "Les
pierres proviennent actuellement des provinces de Lao Cai, de Quang Ninh et de
Yen Bai, du Nord, donc… A ce niveau-là, nous ne sommes pas autonomes, ici. Pour
ce qui est des débouchés, ce n’est pas vraiment un problème. Les produits sont
très diversifiés, ils sont souvent exposés dans les foires, au Vietnam ou à
l’étranger, alors de ce côté-là, tout va bien !..."
Il faut remonter au XVIIIe siècle pour trouver
trace des premiers sculpteurs sur pierre de Non Nuoc. De nos jours, le village
fait partie d’un vaste ensemble touristique, celui de Ngu Hanh Son. Soucieuses
de développer les ateliers de sculpture, les autorités locales sont en train de
parachever l’aménagement d’un terrain de 34 hectares à cet effet. Et depuis le
mois d’août, les produits de Non Nuoc ont leur propre label commercial, un
label officiellement reconnu par le ministère des Sciences et des Technologies.
Alors c’est tout naturellement à Huỳnh Cự que revient le dernier mot :
« un véritable essor », nous disait-il tout à l’heure !