Photographier
les ethnies minoritaires? Rien d’extraordinaire. Mais quand ce sont des membres
d’ethnies minoritaires qui manipulent les appareils photo, c’est déjà
différent. Pour les Dao habitant la commune de Nậm Búng, dans la province septentrionale
de Yen Bai, la photographie est devenue depuis peu un excellent moyen de
découvrir leur propre identité et de la présenter aux autres. Leurs oeuvres
seront d’ailleurs bientôt exposées à Hanoi.
Photovoice,
ce nom vous dit quelque chose? C’est une méthode utilisée essentiellement dans
les activités de développement communautaire et qui consiste en une combinaison
entre la photographie et l’action sociale locale. L’institut d’Etudes Sociales,
Economiques et Environnementales est en train de mener un projet de photovoice
auprès des habitants de la commune de Nậm Búng qui ont ainsi appris à utiliser
l’appareil photo pour raconter leurs propres histoires. Leur formatrice Võ Mai
Phương, venue du musée d’Ethnographie, leur a expliqué les techniques de base: Chaque
personne prend en moyenne 700 photos. Bien sûr, tout ne sera pas exposé,
seulement les plus belles. Celle-ci, par exemple, où on voit Mme Dần qui montre
un ruisseau ou une rizière en terrasse.
Mais
Bàn Thị Dần, que vient d’évoquer Mai Phuong, adore aussi immortaliser sur
pellicule des scènes de vie quotidienne traduisant la solidarité communautaire
des Dao: Ici, on a l’habitude de s’entraider. Si ailleurs, on paie quelqu’un
pour faire son travail, ici, c’est une entraide presque familiale. Tout le
monde vient prêter main forte.
Mme
Dần a pris une très belle photo d’une femme concentrée sur son travail de
broderie. J’ai trouvé cette scène tellement belle que j’ai voulu la prendre
en photo, pour montrer aux autres et voir s’ils seront du même avis que moi.
Les Dao ont une autre façon de broder que les Mông. Nous utilisons des fils
doubles alors que les Mông brodent avec des fils simples. Et je pense que notre
façon de faire donne de plus beaux produits.
Quant
à Lý Thị Líu, une villageoise de 18 ans, elle a pris énormément de photos de
travaux champêtres: J’ai pris beaucoup de scènes de travaux champêtres, la
façon de repiquer le riz, de faire des remblais, de cueillir des herbes
médicinales ou de les préparer. Je trouve qu’on a ici une façon de repiquer le
riz qui est très différente de ce qui se fait ailleurs. Ailleurs, on repique en
ligne droite, mais ici, on n’est pas habitué à cette manière, du coup, chacun
fait à sa guise, ce qui est plus facile et plus rapide. Nos champs sont larges
mais on n’est pas encore capable de repiquer en ligne droite. Mais je pense
qu’on doit y arriver un jour parce qu’avec des lignes droites, ce sera plus
facile de déraciner les herbes et d’observer le niveau d’eau dans la rizière.
Võ
Mai Phương, la formatrice, se dit impressionnée par la qualité des photos
prises par ses élèves qui n’avaient habitude que des charrues, des pioches ou
des aiguilles. Certains ne savent ni lire ni écrire, mais la façon dont ils
observent et appréhendent la vie dénotent une réelle profondeur. Vous aurez
l’occasion de contempler ces photos qui seront exposées lors de la fête de la
rue en l’honneur de la diversité culturelle des ethnies vietnamiennes, qui aura
lieu à Hanoi, au milieu de ce mois, à l’occasion de la journée de la culture
des ethnies, le 19 avril./.