Le
banh canh, soupe de vermicelles, est un plat populaire de la ville de Huê et du Centre en général. Sa préparation se fait souvent à l’inspiration de chacun. Parmi les dizaines de recettes possibles, celle du village de Nam Phô, situé à six kilomètres de la ville de Huê, est unique.
Le
banh canh de Nam Phô se distingue de ses semblables par sa couleur rouge orangé, issue de la viande de porc, des crevettes et des graines du rocouyer. C’est un plat familier des villageois et des travailleurs mais sa préparation demande beaucoup de soins. Tôt le matin, les cuisinières vont au marché pour choisir les ingrédients les plus frais. La viande de porc comprend à la fois une partie grasse et une partie maigre. Les crevettes doivent être pêchées dans les marais locaux, elles donneront au plat sa saveur. Ces deux bases sont hachées puis mélangées avec une poudre de graines de rocouyer. L’appareil est ensuite roulé en petites boules qui seront cuites à feu doux dans un bouillon d’os de porc, afin que ces dernières prennent le goût souhaité.
Comme nombre d’autres plats vietnamiens, les vermicelles utilisées dans le Nam Phô sont des pâtes de riz. Les cuisiniers et amoureux de cette soupe apprécient particulièrement celle de Nam Phô car le riz qui y est cultivé est parfumé et de qualité.
Un plat sain
On l’a bien compris, la soupe de Nam Phô occupe une place de choix parmi les banh canh de la région. Elle est réputée dans de nombreuses localités alentours. La sélection des ingrédients, le savoir-faire des cuisiniers, autant d’éléments qui confèrent à cette spécialité régionale le statut de favori. On dit souvent que ce plat est bon pour les malades et pour les enfants qui apprennent tout juste à manger. Enfin, le dernier atout non moins important de ce bouillon qui fait florès auprès des familles de milieu défavorisé : son prix (entre 3.000 et 5.000 dôngs/bol).
Tandis que de nombreuses soupes de vermicelles intègrent les cartes des restaurants basés en ville, celle de Nam Phô garde toujours son image populaire, portée par les femmes villageoises qui vendent leur potion exclusivement l’après-midi. De fait, elles vont au marché le matin pour acheter des ingrédients frais, et préparent ensuite une quantité de soupe suffisante pour la vendre plus tard dans la journée. Les restes quant à eux appartiennent aux commerçants sans scrupules : les vendeuses ne cèdent jamais de soupe préparée la veille pour en assurer la qualité. Tous les après-midi, les villageoises pénètrent ainsi dans les rues de Huê, la palanche sur les épaules. Chaque extrémité supportant une casserole de banh canh Nam Phô, des bols, et de la sauce de poisson.
Les bons plans en la matière sont connus dans l’ancienne cité impériale. Au marché de Mai, Mme Cuc ; dans l’ancienne rue de Bao Vinh, Mme Bê ; au marché de Dinh (dans le quartier de Phu Hâu), Mme Sau, la concurrence est désormais rude. Mme Sau pour sa part est un ponte de son quartier, elle se rend ici chaque jour depuis 20 ans. Elle a consacré presque toute sa vie à ce commerce. «À 25 ans, je me suis mariée dans le village de Nam Phô. C’est à cette époque que j’ai commencé à cuisiner la soupe de nouilles», se souvient-elle. Jeune, elle portait la palanche dans différents coins de la ville. Mais aujourd’hui, la vieillesse ne lui permet plus d’être aussi mobile. Elle a donc décidé de s’installer au marché de Dinh. L’essentiel pour elle étant de continuer de vendre son breuvage qui nourrit même les plus modestes, et fait vivre sa famille et celles de nombreux habitants de la région.